Le Soudan a longtemps été conçu comme un grand ensemble géographique. À l’intérieur de ce territoire se trouve le Soudan égyptien (ensuite appelé Soudan anglo-égyptien de 1899 à 1956), et le Soudan français. Aujourd’hui, seuls les États correspondants à l’ancien Soudan anglo-égyptien portent encore le nom de Soudan. Les terres soudanaises s’étendent dans un espace géographique compris entre l’Égypte, le Congo Français, le Congo Belge, l’Ouganda, l’Abyssinie, l’Érythrée, la Mer Rouge.
En 1846 le pape Grégoire XVI décide d’y ériger un vicariat apostolique ; il n’existait alors aucune implantation ecclésiastique catholique. À cette date, le vicariat apostolique de l’Afrique centrale (ou archidiocèse de Khartoum) est encore un territoire peu exploré par les missionnaires.

Durant les vingt-cinq premières années, la mission confiée aux Franciscains peine à s’établir et s’enraciner. Le climat sec, les sécheresses, les conditions de vie, les privations et les maladies ont raison des premiers évangélisateurs : en 1848, le premier vicaire apostolique, Maximilien Ryllo, meurt à son arrivée à Khartoum des suites de son voyage à travers le désert. Le rapport apostolique envoyé en 1869 à l’œuvre de la Propagation de la Foi mentionne que « 35 missionnaires Franciscains y sont déjà morts. Tous venant d’Autriche et envoyés dans cette mission brûlante » (voir tableau du rapport ci-dessous). À partir de la fin des années 1860, les Franciscains d’Europe du Nord sont épaulés dans leur apostolat par des missionnaires italiens.

Une nouvelle stratégie missionnaire, « Sauver l’Afrique par l’Afrique » (1872-1881)
En 1872, Les Franciscains quittent la mission tandis que le Vatican confie le vicariat aux Comboniens. Avec les membres de ce jeune institut, le nouveau vicaire apostolique, Daniel Comboni (fondateur de la congrégation des Comboniens) lance son plan pour la régénération de l’Afrique : formation d’un clergé local sur place et non en Europe, formation des laïcs, reconnaissance du rôle essentiel de la femme dans l’oeuvre missionnaire.
Dans les profondeurs du « Plan » se trouve le rêve de Daniel Comboni de voir une Afrique ouverte à Dieu et à son projet salvifique. Le rêve de voir les peuples africains reconnus et respectés dans leurs droits et leur dignité. » (www.comboni.org/fr).
Dans cette optique, il incite notamment les missionnaires de son vicariat à racheter et à prendre en charge les esclaves afin de les sortir de leur état de servitude.

Par ailleurs, afin de permettre l’essor de la mission et limiter les pertes humaines, le vicaire apostolique fait séjourner les missionnaires venus d’Europe dans une maison d’acclimatation au Caire (voir ci-dessous, rapport annuel de 1878).

En 1878, les missionnaires dénombrent près de 600 catholiques, avec une conversion de 138 individus. Les lieux de cultes ont également augmenté (6 au lieu d’un seul en 1869). Parallèlement, les œuvres à destination de la population se sont multipliées : il existe désormais un collège à El-Obeid (voir dessin ci-dessous), cinq écoles, quatre infirmeries, trois ateliers d’arts et métiers masculins, deux ateliers de métiers féminins, quatre asiles d’esclaves, deux maisons de Saint-Joseph de l’Apparition, une maison des Pieuses de la Négritie de Vérone et une colonie agricole à Malbes. La mission catholique commence à s’ancrer dans le paysage et les populations d’une région où la religion musulmane est prédominante.

Une mission confrontée à la guerre (1881-1899)
Dès 1881, la mission au Soudan se trouve confrontée aux heurts qui opposent l’Égypte (puis l’Angleterre) au mouvement madhiste. Ne touchant d’abord que le nord du Soudan, l’insurrection se répand dans le sud. Jusqu’en 1883, les missionnaires arrivent à poursuivre leurs activités, malgré les difficultés suscitées par le conflit (problèmes d’approvisionnement, de déplacement). Cette même année, la revue des Missions Catholiques annonce d’ailleurs le départ de Mgr Sogaro, nouveau vicaire apostolique, avec une troupe de missionnaires pour l’accompagner dans sa mission. Mais, entre 1883 et 1885, la prise des principales villes (El-Obeid et Khartoum) par les madhistes ; les exactions et destructions qui s’ensuivent bouleversent la mission. Des missionnaires sont faits prisonniers (on tente d’obtenir leur conversion à la religion musulmane), certains doivent fuir ou sont expulsés. Les stations missionnaires sont détruites pour la plupart.
« La mission d’Afrique Centrale n’existe plus, mais outre les prêtres et les religieuses prisonniers du Madhi auxquels il est douteux qu’on puisse faire parvenir des secours, Monseigneur Sogaro doit pourvoir à l’entretien de ce qui reste du personnel de la dite mission, consistant en 6 missionnaires, plusieurs religieuses dont nous ne connaissons pas le nombre et 85 enfants » Lettre du 5 juin 1885 du Conseil central de Lyon à celui de Paris
La guerre des Madhistes (ou première guerre du Soudan) durera dix-huit ans. La mission catholique s’en trouve profondément changée : un petit nombre de missionnaires reste sur place. Ils soutiennent les populations et vivent avec elles le quotidien de la guerre. Bien que considérablement atteinte, la mission de l’Afrique centrale n’est pas abandonnée par les religieux et elle obtient le concours de laïcs. Au sortir de la guerre, les stations missionnaires sont recréées dans les localités afin de servir de pôle d’ancrage et de diffusion. De fait, cinq ans après la fin de la guerre, on dénombre 6 stations et les établissements religieux sont en augmentation.
