15 Jan 2022

Racontez à tous les peuples les merveilles du Seigneur

 

Le deuxième dimanche du temps ordinaire poursuit le thème de la manifestation du Seigneur, célébrée avec l’Épiphanie et la fête du Baptême du Seigneur.

L’événement sur lequel la liturgie nous propose de méditer aujourd’hui est celui des noces de Cana qui, avec la visite des mages et le baptême de Jésus dans le Jourdain, constitue la grande triple épiphanie, c’est-à-dire la révélation / manifestation, du Seigneur au monde. Par conséquent, nous chantons une ancienne antienne, maintenant utilisée pour les deuxièmes Vêpres de la Solennité de l’Épiphanie :

Nous célébrons trois mystères en ce jour : aujourd’hui l’étoile a conduit les mages vers la crèche ; aujourd’hui l’eau fut changée en vin aux noces de Cana ; aujourd’hui le Christ a été baptisé par Jean dans le Jourdain pour nous sauver, Alléluia.

Les trois événements sont célébrés dans un « aujourd’hui » mystique, dans lequel ils sont curieusement mis ensemble avec les noces de Cana au centre, au détriment de leur ordre temporel logique (d’abord les mages, puis le baptême, et enfin les noces). Ceci est peut-être fait pour souligner l’importance de ce qui s’est passé à Cana. Des trois épisodes, en effet, seul celui-ci est explicitement appelé comme manifestation du Seigneur : « Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. C’était à Cana de Galilée. Il manifesta sa gloire ».

En méditant sur ce grand mystère des noces de Cana comme prolongement supplémentaire de l’Épiphanie et du Baptême, arrêtons-nous sur trois points « étranges et particuliers » de ces noces pour saisir le sens profond de l’événement que l’Évangile veut transmettre à notre vie.

 

1. « Ils n’ont pas de vin ».

L’observation de la Marie nous introduit au premier fait étrange : le vin à un certain moment du mariage a manqué. Mais comment se fait-ce ? Pourquoi ? Évidemment, il faut garder à l’esprit que le mariage dans l’environnement culturel juif dure plusieurs jours, parfois même une semaine entière. Néanmoins, la question est toujours la suivante : les organisateurs du mariage n’ont-ils pas su prévoir et acheter la quantité de vin nécessaire d’abord en fonction des jours prévus du mariage et du nombre d’invités ? À cet égard, on pourrait logiquement supposer que le vin manquait en raison de certains invités inattendus ou de certains qui ont un peu trop bu.

En tout cas, ce manque de vin a conduit Jésus à faire un « signe », et plus précisément son premier « signe » dans l’Évangile de Jean. C’est ce que nous appellerions normalement le « miracle » de l’eau transformé en vin. Cependant, l’évangéliste évite systématiquement ce terme et donc très probablement intentionnellement. Il a préféré utiliser le mot « signe » pour souligner que ce que Jésus a fait ne vise pas à créer un « spectacle » à regarder ou à admirer, mais vise à susciter la réflexion pour arriver à la foi en Lui.

En effet, le manque de vin indique une autre réalité. Le vin est toujours symbole de joie, car il « réjouit le cœur de l’homme », comme dit le psalmiste (cf. Ps 103,15). Il indique donc le bonheur de la vie, et ainsi le vin abondant sera un symbole de la joie débordante et du bonheur du temps messianique.

Selon la tradition juive, à la fin des temps, lorsque le Messie tant attendu viendra, les vignes porteront de nombreux fruits et par conséquent le vin coulera de partout, sur les montagnes, les collines, les vallées, sans oublier les rivières. Cela explique en quelque sorte l’œuvre de Jésus, un peu exagérée mais hautement symbolique, de faire remplir d’eau les six jarres de pierre à disposition pour que tout devienne vin, obtenant 720 litres si bien qu’il pouvait en rester même après la fête. C’est une sorte de multiplication du vin, presque parallèlement à la multiplication du pain par la suite !

Les noces de Cana, Véronèse

Jésus est donc le Messie qui inaugure ainsi le temps messianique par le signe de l’abondance du vin. Il est venu donner non seulement la vie, mais la vie en abondance (cf. Jn 10,10). La mission de Dieu fait homme pour nous n’est pas simplement d’offrir la rédemption, mais d’offrir la rédemption abondante, parce que « Copiosa apud eum redemptio » (« près de lui, abonde le rachat [rédemption] »), tel que nous le prions dans le Psaume 129, également récité dans les deuxièmes Vêpres de Noël (cf. Ps 129,7). Comme Dieu l’a promis : « Mon peuple abondera de mes biens » (Jr 31,14), Jésus, l’envoyé de Dieu le Père, dans sa mission d’apporter le salut et le bonheur divin à l’humanité, ne se contente jamais du minimum nécessaire, mais offre tout ce qui est possible, tout de lui-même. En effet, offrir de plus en plus chaque jour : agir plus, aimer plus et donner davantage.

En sa personne, le zèle du prophète de Dieu que nous avons entendu dans la première lecture (et que nous avions aussi entendu proclamer dans l’une des quatre messes de Noël) s’accomplit en réalité : « Pour la cause de Sion, je ne me tairai pas, / et pour Jérusalem, je n’aurai de cesse / que sa justice ne paraisse dans la clarté, / et son salut comme une torche qui brûle ». Le missionnaire de Dieu ne s’arrête jamais. Jamais. Il va toujours plus loin, au figuré et aussi au matériel !

Par conséquent, même si une seule goutte de son sang suffirait à sauver le monde, comme nous l’enseigne le grand Docteur de l’Église Saint Thomas d’Aquin dans le célèbre hymne eucharistique Adoro Te Devote, Jésus a versé son précieux sang en abondance : en effet, tout le sang de son corps, jusqu’à la fin de la vie, même après la mort (cf. Jn 19,34) ! Ce sera l’accomplissement de l’abondance du vin offert à Cana qui est resté non seulement d’après ce mariage mémorable, mais aussi pour l’éternité. Celui qui boit ce « vin », offert par Lui, vit éternellement, comme il le dit lui-même : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle » ! (Jn 6,54). Ce qui signifie : Cette personne profite de la joie et du bonheur toujours en abondance ! Jésus a en effet déclaré : « Moi, je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance» (Jn 10,10).

La pensée exposée ci-dessus sera suffisante pour notre réflexion d’aujourd’hui. En effet, cela suffira pour toute la semaine, jusqu’à dimanche prochain ! Néanmoins, sous le signe de l’abondance, je vais continuer à écrire sur les deux autres points non moins importants qui ressortent des lectures de la messe.

 

2. Le véritable époux du mariage

A partir du reproche du maître du banquet fait à l’époux, on peut voir que l’honneur et le devoir d’offrir du vin aux invités revient au marié, et peut-être toujours du bon vin. Avec le manque de vin, l’époux de l’histoire a échoué dans sa tâche, tandis que Jésus apparaît comme celui qui offre maintenant le vin.

L’époux royal a cessé de l’être, tandis que Jésus apparaît comme le véritable époux de la noce. Dans cette optique, le mariage « à cette époque » à Cana en Galilée dépasse ses limites géographiques et temporelles pour devenir l’image des noces mystiques entre Dieu et son peuple à la fin des temps. C’est l’événement tant attendu et annoncé par les prophètes, notamment Osée et Isaïe, comme nous le rappelle la première lecture : « le Seigneur t’a [Jérusalem] préférée, et cette terre deviendra « L’Épousée ». […] Comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de ton Dieu ».

 

3. La mariée « invisible » et les « amis » de l’Époux

La lecture spirituelle ci-dessus nous aide à résoudre le troisième point étrange qui est celui concernant la mariée qui n’est jamais mentionnée dans cette histoire. Il en est ainsi, tout simplement parce que si le véritable Époux du mariage est Jésus, Dieu fait homme, nous ne voulons pas parler de cette épouse physique, mais de la véritable Épouse qui est le peuple qu’il aime malgré toutes ses infidélités et raideurs de cœur. Ce qui s’est passé à Cana en Galilée marque le début du temps des noces qui atteindra son apogée, lorsque Son heure sera venue, c’est-à-dire celle de la passion, de la mort et de la résurrection.

Cette heure sera aussi le moment de la pleine manifestation de sa gloire, qui a commencé à se manifester à Cana. Ce lien étroit entre les deux événements de l’Évangile de Jean ressort clairement dans la présence exclusive de « sa Mère » dans l’un (à Cana) et dans l’autre (sous la Croix), où Jésus s’adresse toujours à elle par l’appellation formelle de « Femme », pour signaler le moment solennel et l’importance de la personne.

A ce propos, il faut préciser que ce que Jésus a dit à sa Mère « Mon heure n’est pas encore venue » restera vrai même après le miracle, car cette affirmation sera répétée plus tard (cf. Jn 7,30 ; 8,20) jusqu’au moment ultime de la Passion (cf. Jn 13,1). Ce que Jésus a fait ne veut pas dire qu’il a dû avancer son heure à la demande de la Mère. Cela ne marque uniquement, comme dit précédemment, que le début « officiel » de l’ère de l’accomplissement des noces divines.

Dès ce début commence la mission pour laquelle le Père a envoyé son Fils : rassembler tous les enfants de Dieu dispersés dans la communauté des fidèles, dont la semence était précisément le groupe de ses premiers disciples qui « ont cru en lui ». Ils étaient les « vrais » invités aux noces, ceux de Jésus, le vrai Époux, et ils seront aussi appelés « amis » (cf. Jn 15,13-15). Ainsi, ils ont partagé la joie de leur Maître et Seigneur en partageant le même vin excellent qui leur a été offert et, par conséquent, la même vie et le même Esprit ! Ils seront les « envoyés », ils continueront la même mission du Maître et poursuivront ses œuvres.

En effet, pour eux, Jésus a dit : « Vous ferez des choses encore plus grandes ! ». Et il en sera ainsi, certainement pas en raison de leur habileté, de leur capacité, de leur intelligence (« aucun disciple n’est plus grand que le maître », cf. Jn 13,16 ; 15,20), mais simplement parce qu’ils demeurent en Lui et qu’Il fait en eux ces choses toujours plus grandes, comme il l’a souligné : « en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire », en exhortant « Demeurez en moi » (cf. Jn 15,4-5).

Demeurer en Jésus signifie concrètement demeurer dans sa Parole, dans son amour et dans son Esprit. Il sera fondamental pour les disciples-missionnaires de continuer sa mission « avec ambition », c’est-à-dire de faire les mêmes œuvres de Jésus et même les réaliser de manière « encore plus grande », encore plus riche, plus novatrice, plus adaptée à leur situation de vie.

Leur mission sera riche et variée, mais toujours ils seront inspirés du même Esprit, celui de Jésus, ou, pour oser un jeu de mots, inspirés du même vin (spiritus !) que Jésus leur a offert à boire ! C’est ce que saint Paul nous a rappelé à juste titre dans la deuxième lecture :

Les dons de la grâce sont variés, mais c’est le même Esprit. Les services sont variés, mais c’est le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c’est le même Dieu qui agit en tout et en tous. […] Mais celui qui agit en tout cela, c’est l’unique et même Esprit : il distribue ses dons, comme il le veut, à chacun en particulier.

Buvons donc le vin de Jésus, avec joie et gratitude pour les divers « effets » qu’il produit en nous et à travers nous pour la mission. En effet, nous rendons grâce au Seigneur pour le don du vin messianique, pour tous les « amis missionnaires » de l’Époux Jésus, mais aussi pour le fondateur de notre Union Pontificale Missionnaire, le Bienheureux Paolo Manna, dont la mémoire liturgique est célébrée aujourd’hui (16 janvier 2022) en ce jour de son 150e anniversaire. Ce sont les disciples fidèles qui, « imprégnés » du vin divin, ont continué la mission de Dieu au cours des siècles, invitant généreusement chacun à la joie des noces divines. Puissions-nous nous sentir inspirés par leur exemple et par l’Esprit-vin lui-même pour continuer avec générosité et créativité les œuvres messianiques que Jésus a inaugurées lors des noces mystiques de Cana en Galilée ! Et que Marie, sa Mère et notre Mère, intercède pour nous dans ce formidable chemin missionnaire !

 

Le Père Dinh Anh Nhue Nguyen, auteur de ce commentaire, est Secrétaire Général de l’Union Pontificale Missionnaire, Directeur du Centre International d’Animation Missionnaire et Directeur de l’Agence Fides.

Frère conventuel franciscain de nationalité vietnamienne, né en 1970, il a été nommé par le cardinal Luis Antonio Tagle au service des Œuvres pontificales missionnaires le 1er mai 2021, pour une période de cinq ans.

 

Points utiles :

L’indication “ jusqu’aux extrémités de la terre ” interpellera les disciples de Jésus à toutes les époques et les poussera à aller au-delà des lieux habituels pour lui rendre témoignage. Malgré toutes les facilités dues aux progrès de la modernité, il existe encore aujourd’hui des zones géographiques où les missionnaires témoins du Christ ne sont pas encore arrivés avec la Bonne Nouvelle de son amour.

D’autre part, aucune réalité humaine ne devrait être étrangère à l’attention des disciples du Christ dans leur mission. L’Église du Christ a été, est et sera toujours “en sortie” vers de nouveaux horizons géographiques, sociaux et existentiels, vers des lieux et des situations humaines “limites”, afin de témoigner du Christ et de son amour à tous les hommes et toutes les femmes de tout peuple, de toute culture et de tout statut social. En ce sens, la mission sera toujours aussi missio ad gentes, comme nous l’a enseigné le Concile Vatican II, car l’Église devra toujours aller au-delà, au-delà de ses propres limites, pour témoigner de l’amour du Christ à tous.

À cet égard, je voudrais rappeler le souvenir et remercier les nombreux missionnaires qui ont dépensé leur vie pour aller “au-delà”, en incarnant la charité du Christ envers les nombreux frères et sœurs qu’ils ont rencontrés ».

(Pape François, Message pour la Journée Mondiale des Missions 2022 « Vous serez mes témoins » [Ac 1,8])

Ça pourrait vous intéresser

Inscrivez-vous
à la newsletter

Tous les mois, le meilleur de la Mission dans votre boîte mail !

Pour être informé des actualités, laissez-nous votre adresse email via le formulaire ci-dessous.

Veuillez activer JavaScript dans votre navigateur pour remplir ce formulaire.

Suivez-nous
sur les réseaux sociaux