26 Juin 2022

Prophète et homme libre !

Qu’est-ce qu’un prophète ? Un veilleur qui observe, écoute. Il est intuitif, il agit.

Qui sont les prophètes ? Vous, en face de moi. Si vous vivez votre baptême, vous gardez la dignité reçue le jour de votre baptême : prêtre, prophète et roi ! Les baptisés sont membres du Corps du Christ ; leur place, votre place dans l’Eglise, est plus importante que celle du citoyen dans la société civile. Le synode que nous venons de vivre dans les diocèses du monde entier à la demande du Saint-Père en est l’illustration….

Le livre des rois nous montre la réponse d’Elisée à l’appel d’Elie, c’est une réponse radicale. Cette radicalité évangélique est confirmée par les réponses de Jésus à ceux qui veulent le suivre, réponses que nous venons d’entendre dans l’évangile de saint Luc :

 

1) itinérance missionnaire, pauvreté, insécurité du missionnaire

«Le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer sa tête ». une centaine de chrétiens assassinés par des terroristes islamiques au Nigeria, au Burkina Faso, il y a quelques jours, des prêtres assassinés par une poignée de mafieux qui, au Mexique, tiennent dans leur main pouvoir politique et économique.

 

2) au service des vivants

Le témoin du Christ vit pour le présent et l’avenir et non dans la louange du temps passé : « Laissez les morts enterrer les morts, toi, pars et annonce le règne de Dieu ». – « Quiconque met la main à la charrue puis regarde en arrière, n’est pas fait pour le royaume de Dieu ». L’esprit saint fait souffler sur l’homme le vent de la liberté qui forme l’intelligence intuitive, fait des hommes debout qui construisent demain. C’est pourquoi les Baptisés doivent se mettre au service de la cité.

 

Vivez votre vocation prophétique.

Soyez des veilleurs, soyez comme les marins que nous fêtons aujourd’hui, leur navigation en mer dépend bien souvent du temps qu’il fera le lendemain Scrutez l’horizon de la société pour relever les défis de demain !

Vous pourrez le faire parce que l’esprit fait de vous des hommes libres.

 

Homme libre !

Saint Paul dit aux Galates : « Ne vous mettez pas de nouveau sous le joug de l’esclavage ». Plusieurs communautés chrétiennes de Galatie (centre de la Turquie actuelle ) sont travaillées au 1er siècle par des querelles entre chrétiens, Juifs convertis, judaïsants et chrétiens d’origine païenne. Il en est de même à l’époque dans d’autres communautés du bassin méditerranéen. Les judaïsants sont attachés à leur milieu culturel et cultuel, à des pratiques diverses et surtout à la circoncision.

Paul attaque sur le thème de la liberté. Il fait réfléchir son auditoire. Nous trouvons quatre fois le mot libre ou liberté dans ces versets de l’évangile qui vient d’être lu : «vous avez été appelés à la liberté, que votre liberté ne soit pas un prétexte à votre égoïsme – ne vous mettez pas de nouveau sous le joug de l’esclavage ». C’est bien sûr une allusion à l’esclavage de la loi ancienne des judaïsants, à ces centaines de prescriptions qu’il fallait observer scrupuleusement. Ce que personne ne parvenait à faire !

L’homme a toujours tendance à se plaire dans une position d’esclave, à y revenir. Tocqueville le soulignait déjà dans son livre intitulé « De la démocratie en Amérique », il écrivait que l’homme finirait par demander que lui soit enlevée la liberté de penser. C’est effectivement plus facile de vouloir hurler avec les loups, de tenir le langage convenu du groupe, de la majorité, au lieu de vivre en homme libre, libre de penser, libre de parler, mais pour cela, il ne faut pas être autoréférencé, il ne faut pas juger selon ses propres goûts, ses désirs.

Les lois de la cité elles-mêmes ne sont pas des normes absolues, elles changent selon les majorités. La norme de la société doit être respectée car sans cela c’est la loi du plus fort qui s’applique, c’est-à-dire la violence exercée par le plus fort. Le père Lacordaire l’écrivait magnifiquement au XIXe siècle : « entre le fort et le faible, c’est la liberté qui opprime, c’est la loi qui libère », mais la liberté sans l’esprit n’est que caprice. C’est sans aucun doute le drame de nos sociétés contemporaines dans les pays démocratiques comme le nôtre : la loi ne respecte plus le droit naturel, les commandements de Dieu. Le législateur cherche à plaire, l’élu à être réélu en flattant les instincts les plus bas de l’homme au lieu de servir le bien commun.

Paul utilise l’argument de l’opposition de la chair et de l’esprit : «marchez sous la conduite de l’esprit saint et vous ne risquerez pas de satisfaire les convoitises de la chair ». La chair dans le langage de Paul, c’est la personne humaine dans sa dignité certes, mais aussi dans sa fragilité, dans son péché. Il y a un affrontement en chacun d’entre nous entre deux chemins à suivre : celui de la facilité qui cherche à satisfaire notre égo et celui de la liberté qui est le fruit de l’action de l’Esprit Saint en nous et recherche le bien commun par le don de soi, comme le fit notre Seigneur en mourant sur la croix.

Pour réconcilier les deux alliances ( l’Ancienne, la loi juive et la nouvelle, l’évangile), Jésus répond : « La loi est accomplie dans l’unique parole que voici : « tu aimeras ton prochain comme toi-même – mettez-vous par amour au service les uns des autres ». Juifs convertis et païens convertis sont invités à s’aimer, à se respecter, à comprendre leurs histoires personnelles.

Cette invitation s’adresse à toute communauté humaine, paroissiale, religieuse, municipale.. Dans notre archipel, Mayous et autochtones sont invités à faire dialoguer leurs sensibilités différentes, nos frères marins que nous fêtons aujourd’hui, tous ceux qui vivent de la mer, doivent s’efforcer de comprendre l’histoire et les traditions des terriens qu’ils côtoient et réciproquement. Il en est de même dans le milieu politique entre droite et gauche ! La diversité, l’opposition respectueuse, sont une richesse, sans elles il n’y a pas de dialogue, il n’y a place que pour le monologue , c’est la caractéristique des régimes autoritaires et totalitaires comme la Corée du Nord et tant d’autres. Nous avons la chance de vivre dans un pays libre. Travaillons ensemble à préserver sa souveraineté, son indépendance. Regardons un peu ce qui se passe ailleurs et nous verrons que les libertés publiques, la protection sociale, la gratuité de l’enseignement ne sont pas toujours la règle !

Mettons au service de l’humanité la liberté que met en nous l’Esprit Saint. Saint Paul nous trace le chemin en nous disant « mettez-vous par amour au service les uns des autres ». Vivons cette fête dans la joie et la paix du cœur que procure une conscience rassurée par la recherche du Bien.

 

+Georges Colomb, évêque de Saint-Pierre-et-Miquelon, La Rochelle et Saintes.

26 juin 2022, fête des marins.

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