15 Juin 2022

Mgr Colomb : « Pauline Jaricot est une pionnière du développement humain intégral »

Comment le rendez-vous des OPM à Lyon s’est-il déroulé ?

Pour l’assemblée des directeurs nationaux, nous étions autour de 120-130 personnes. Normalement, il y a un directeur par pays mais parfois le même en supervise deux ou trois. On compte aussi bien des prêtres que des évêques, des religieuses que des religieux, des laïcs. Ce rendez-vous a d’habitude lieu à Rome. En raison de la béatification de Pauline Jaricot (1799-1862), nous avions rendez-vous dans sa ville natale, Lyon. Son action dans le monde est partie de là.

J’ai participé au colloque intitulé « La fécondité d’un charisme : Pauline Jaricot, l’œuvre missionnaire de l’Eglise et la Congrégation De Propaganda Fide ». Après l’approche historique, avec Bernadette Truchet (Responsable du centre de documentation et d’archives des OPM) et Claude Prudhomme (Docteur en histoire), le P. Dinh Anh Nhue Nguyen (Secrétaire général de l’Union Pontificale Missionnaire) a évoqué les OPM aujourd’hui. Une table ronde a suivi, animée par le P. Vincent Sénéchal, Supérieur général des Missions Etrangères de Paris (MEP).

 

Qu’avez-vous retenu de l’histoire de Pauline Jaricot ?

Nous sommes revenus sur le contexte missionnaire du XIXème siècle et sur les intuitions missionnaires de Pauline (fondation du Rosaire Vivant et de l’œuvre de la Propagation de la Foi), l’influence sur elle du sermon de l’abbé Wurtz à l’église St-Nizier, qui a été comme une conversion pour elle. Et assez radicale : la jeune fille soucieuse de ses toilettes s’habille comme une ouvrière… A tel point que beaucoup de gens de son milieu la rejetait. En ce début de Révolution industrielle en France, elle a découvert la misère. Il faut savoir qu’elle vient d’un milieu de soyeux. Son père était originaire de la campagne lyonnaise. Il est décédé quand elle était adolescente. Venu à Lyon pour travailler dans la soie – sa mère aussi était ouvrière – il a été aidé par son patron pour monter sa propre entreprise. Il est devenu alors un gros propriétaire. Tout ce que fait Pauline est marqué par cet esprit d’entreprise.

Pauline une active et en même temps, une contemplative. Elle anticipe Jean-Paul II en créant l’œuvre du Rosaire pour nous rappeler que le missionnaire est un contemplatif en action. C’est ce qu’écrira Jean-Paul II dans Redemptoris Missio. Elle ne l’écrit pas, elle le vit ! A sa mort, en 1862, à l’âge de 63 ans, l’œuvre du Rosaire compte plus de 2 millions de membres… à une époque où il n’y a pas Internet ! Les gens prient pour la mission. L’œuvre de la Propagation de la Foi s’appuie sur le système des dizaines : on forme un groupe de dix puis chacun trouve neuf compagnons pour former une dizaine, etc. Cette oeuvre créée par Pauline en 1822, à l’âge de 23 ans, deviendra en 1922, une œuvre pontificale. A l’occasion de sa béatification, nous avons fêté le bicentenaire des OPM. De même que nous avons fêté le 4ème centenaire de la création de la Congrégation pour l’Evangélisation des peuples, dont le cardinal Luis Antonio Tagle est le Préfet.

 

Quel est, selon vous, le message de la bienheureuse pour nous aujourd’hui ?

Elle a un regard de baptisée et de chrétienne sur ce qui est proche comme sur ce qui est loin. Elle s’intéresse à la mission en Chine, grâce à son frère Philéas, séminariste à St-Sulpice, à Paris. Il aurait voulu entrer aux Missions étrangères mais pour des raisons de santé, il n’a pas été accepté. C’est ce qui a donné envie à Pauline de lancer « le sous pour les missions ». Tout ce qu’a fait Pauline est marqué du sceau de l’esprit pratique d’une femme d’action. Et en même temps, c’est une femme de prière. Elle dira : « Mon cloître, c’est le monde ». Laïque, elle n’a jamais eu le désir de devenir religieuse mais avait fait vœu de célibat. Elle est morte ruinée, après avoir été roulée par des gens avec qui elle voulait monter une usine. Mais c’est une belle vie ! De son vivant, elle a connu la gloire de Dieu, pas celle des hommes.

Elle nous invite à faire comme elle : à regarder autour de nous, à voir quels défis notre vie chrétienne nous invite à relever. Pauline a voulu qu’au lieu de se prostituer les femmes aient un travail digne. Elle trouvait un emploi aux chômeurs qui n’étaient pas aidé à l’époque. Elle s’est beaucoup impliquée pour que les ouvriers puissent mener une vie chrétienne. On peut dire que Pauline a anticipé ce qu’on appelle aujourd’hui le développement humain intégral ! Elle se soucie de la vie matérielle et spirituelle de tous, notamment des ouvriers. Elle est en avance sur son temps par son ouverture sur l’universel, sur le monde. En tant que femme qui se lance dans les affaires, elle surprend, elle décoiffe ! Elle a même choqué.

 

Comment se positionnent les OPM au sein de la Congrégation pour l’Évangélisation des Peuples ?

Les OPM sont un petit service de la Congrégation. Le pape François l’a restructurée pour la chapeauter directement. Il y a désormais la partie « évangélisation des peuples », c’est-à-dire mission au loin, et la partie « première annonce », qu’on appelait auparavant « nouvelle évangélisation ».

Le cardinal Luis Antonio Tagle, archevêque émérite de Manille (Philippines), supervise 1.200 ou 1.300 diocèses. C’est lui qui présente au Pape les dossiers pour les nominations d’évêques. Il gère aussi différentes œuvres dont les OPM qui soutiennent dans le monde 80.000 séminaristes. En réunissant « évangélisation des peuples » et « première annonce », le Pape a voulu rappeler que la mission, ce n’est pas seulement au loin, c’est aussi chez nous. La mission est partout !

Là encore, on rejoint Pauline. Pour elle, la mission, c’est dans les rues de Lyon, auprès des chômeurs et des prostituées ; c’est créer une entreprise pour que tous aient une vie digne et en même temps, faire en sorte qu’on prie pour les missions et qu’on les soutienne financièrement. Les OPM sont nées de cette double intuition. L’objectif des OPM aujourd’hui est de maintenir vivants la prière et l’éveil missionnaire en France, ainsi que le soutien aux missions qui passe par des dons. C’est un bel héritage !

Propos recueillis par Claire Rocher (SNMM)

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