13 Avr 2022

Vivre en disciples-amis le Jeudi Saint : quatre cènes « en mémoire de... »

Sénégal, 8 avril 2004 : Jeudi Saint, premier jour du « Triduum pascal ».

Quatre missionnaires oblats, en quatre endroits différents, pour quatre cènes « en mémoire de… »

  • À Temento, père Bruno prépare 58 catéchumènes (enfants, adolescents et jeunes) au sacrement du baptême pour la veillée pascale ;
  • À Manecounda, père Georges en prépare 35 autres au sacrement de la première communion ;
  • À Diattacounda, Danilo, stagiaire oblat, se lance à animer ses premières célébrations liturgique ;
  • Moi à Samine avec les fidèles de la communauté chrétienne.

18h : j’arrive à Samine grâce à la Suzuki 4×4 JX, surnommée « Samurai », par les jeunes de la mission de Temento, parce que forte et puissante, mais souvent, en réalité, elle nous laisse …à pied ! Au rendez-vous, je ne trouve aucun fidèle présent. Peut-être parce que la porte de l’église est encore barrée ? Un peu de patience, je repère quelques âmes à l’horizon et la porte s’ouvre en grand.

Seul pour prier

Le temps de préparer tout ce qu’il faut pour la célébration et revoir le rôle de chacun, c’est parti pour le Jeudi Saint, même si nous ne sommes pas nombreux. En tout, trois douzaines de personnes. Et puis pourquoi me plaindre ? Au fond, ce soir-là du Jeudi Saint il y a 2000 ans, Jésus vécut la dernière cène avec peu de monde : douze apôtres seulement… et cela ne l’a pas empêché d’accomplir un geste noble de service, d’humilité et d’amour, en leur lavant les pieds, mais surtout, en leur offrant ce pain et ce vin, signe de sa présence, et en les invitant, finalement, à refaire cela « en sa mémoire ».

Avec des mots simples, j’essaie d’expliquer aux fidèles ce que nous sommes en train de célébrer, en pensant à ce que Jésus a vécu avec ses amis. Pour un instant, mon esprit s’est mis à revivre les quatre dernières cènes du « Triduum pascal » (2000-2003) vécues dans la grande basilique souterraine St Pie X à Lourdes, en France, en présence de milliers de pèlerins, venus de différents pays du monde, et dans un contexte bien ordonné dans les moindres détails. Mais ce n’était seulement …qu’un beau souvenir ! En mission, la musique change !

La célébration terminée, il devait y avoir un moment d’adoration eucharistique, de 20h à 22h, mais entre-temps les gens rentrent chez eux pour dîner et ensuite, reviendront prier avec d’autres membres de la famille.

Pendant plus d’une heure je me retrouve tout seul, dans l’obscurité de la grande église, mais, en réalité, je suis en compagnie de Jésus, présent dans le pain eucharistique, ciboire déposé sur l’autel. Six bougies, posées sur les deux candélabres à trois bras, éclairent le ciboire. Mes yeux sont attirés par cette seule source de lumière. Dans l’obscurité, les grandes langues de feu des bougies tendent de plus en plus vers le haut, comme en phase de décollage. J’ai la sensation que plus je Le regarde, plus Il me scrute. Je ne sais comment l’expliquer, mais c’était vraiment comme ça… !

Sur le grand mur, devant moi, et donc au-delà de l’autel, il y a à gauche une statue de Marie en bois, sans l’enfant Jésus, les mains jointes en attitude de prière. À droite, il y a une sculpture de Jésus crucifié, toujours en bois, mais sans croix, comme s’il avait été cloué directement au mur. Entre les deux statues, une banderole en étoffe avec cette inscription : « Vivre la Parole. »

Surmonter l’obstacle

Il me semblait voir une belle composition, harmonieuse, chaque partie était en communion avec les autres. D’une part, Marie, cette femme-mère qui a cru à la Parole, et de l’autre, Jésus, cet homme-fils de Dieu, en qui la Parole (Verbe) s’est faite chair et qui a aimé l’humanité entière, annonçant et vivant la Parole jusqu’à donner sa vie en mourant sur la croix. Sur l’autel, l’eucharistie, signe réel de Jésus ressuscité encore parmi nous. Je ne sais pas si je priais, mais mon esprit réfléchissait, en pensant à toutes ces choses, suggérées par ce que je voyais…

De temps en temps, j’entendais le bruit fracassant et assourdissant d’une moto – dû probablement au vieux tuyau d’échappement troué – faisant la navette sur l’asphalte, et au fur et à mesure qu’elle s’éloignait, la paix et le silence revenaient.
Puis j’entends des pas, derrière moi, …d’autres disciples amis viennent adorer Jésus. Dehors par contre, d’autres jeunes, « jeunesse de nuit », non chrétiens, parlent à haute voix, ils rient, ricanent, juste devant l’église, ne se souciant pas de ceux qui veulent prier. Leur persistance était un signe, qu’ils le faisaient exprès. Même avec de la bonne volonté… ce n’est pas facile de se concentrer et de prier dans cette situation-là !

Les flammes des bougies s’amenuisent, elles sont en phase d’atterrissage. Chaque distraction me permettait de recommencer à prier pour tous ceux qui étaient dehors. C’est étrange, mais c’était une manière de dépasser l’obstacle pour l’offrir à Dieu ! Quelques intentions de prière spontanées, espacées par un refrain chanté, mettent fin à ce moment d’adoration. Les apôtres étaient douze, et nous, environ le double…

En rentrant à la maison, en compagnie de « Samurai », je pensais à mes trois confrères et à leurs trois cènes « en mémoire de… ». Qui va savoir ? Combien de milliers de cènes dans le monde ont été célébrées et vécues « en mémoire de… » cette unique cène de Jésus ? Qui va savoir ? Combien de millions de disciples amis lui ont tenu compagnie, en l’adorant ? Qu’importe… !

Merci, Jésus, ta présence réelle et silencieuse a parlé aussi à mon cœur si distrait.

Témoignage du père Alfonso Bartolotta, OMI

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