Cette nuit nous entendions le récit de la Nativité et nous pouvions voir les bergers adorer l’enfant nouveau-né, contempler la crèche et son humilité. Avec les bergers nous étions spectateurs du plus inouï des événements de l’histoire des hommes, l’Incarnation de Dieu.
Ce matin la liturgie nous invite à pénétrer dans un autre mystère, intimement lié au premier, celui de notre rédemption. Car cet enfant nouveau-né n’est pas un enfant ordinaire. Dieu, fils de Dieu, il est celui par qui et pour qui tout ce qui vit, a vécu, vivra ici-bas, trouve son sens. Conçu de l’Esprit Saint il nous fait don de cet Esprit pour nous permettre de pénétrer dans le mystère trinitaire que nous confessons avec notre foi. C’est en cela que l’événement de Noël comme celui de Pâques nous concerne directement, ici et maintenant. Il est bien plus qu’un événement historique digne d’être commémoré.
L’enfant de la crèche nous fait signe et nous appelle aujourd’hui à vivre pas à pas avec lui la joie de l’Incarnation puis à avancer sur la route de nos vies comme il a lui-même avancé sur les routes de Palestine. Regardons en face sans désespérer les croix qui ne manqueront pas de se présenter. Consentir à être des disciples qui sont pour tous, non des modèles d’une quelconque perfection morale, mais des hommes en marche, le regard tourné vers Jésus qui se donne et qui sauve. Jésus est né un jour de l’histoire, il a vécu, enseigné, guéri, pardonné, et a livré sa vie pour qu’aujourd’hui nous puissions marcher à sa suite et être des signes sur la route des hommes. C’est du plus profond de notre humanité que Lui, le Dieu incarné, nous appelle. Puisse la Lumière de Noël déchirer en vérité toutes le ténèbres de nos vies et faire de nous des témoins des merveilles de Dieu.
Emerveillés parce que sauvés et envoyés en mission !
Ce jour de Noël est le jour de l’émerveillement. Voici que la promesse de Dieu a pris corps, voici que la rédemption promise a fait sa maison au milieu des hommes. « Éclatez en cris de joie » nous dit Isaïe, « car le Seigneur console son peuple ». Nous savons bien que cette joie n’est pas uniquement destinée à Jérusalem et au peuple hébreu. Isaïe le savait déjà : « Le Seigneur a montré la sainteté de son bras aux yeux de toutes les nations. Tous les lointains de la terre ont vu le salut de notre Dieu ».
Croyants, nous sommes des privilégiés, mais puisque nous le sommes vraiment, nous sommes envoyés en mission. Aujourd’hui, nous qui avons reçu l’héritage de la foi, nous qui, par la fréquentation des sacrements et la méditation de la Parole, sommes entrés en amitié avec Dieu, nous devons accepter l’envoi en mission. Etre missionnaires de la Bonne Nouvelle, être messagers de la Paix, telle est la vocation du chrétien. Il y a encore tant de « lointains » à rejoindre : les peuples qui n’ont pas encore reçu la Révélation de Jésus Christ, mais aussi les périphéries dont parle le pape François, les pauvres, les sans voix, les désespérés de nos villes et de nos villages. A ceux-là la Bonne Nouvelle de Noël n’a pas encore était annoncée.
C’est la même joie d’être sauvé qui émerveille le psalmiste, avec le même souci des nations, toutes appelées au salut. Les hommes qui se savent sauvés, célèbrent, chantent et louent la fidélité de Dieu.
Et nous, personnellement et en Eglise, sommes-nous suffisamment porteurs de cette joie de croire et de se savoir sauvés ?
Jésus est notre joie
Quelle tendresse, quel réconfort, quelle joie, émanent de ce nouveau-né ! Venons à la crèche et, comme les bergers et les mages, adorons en silence l’Homme Dieu. Jésus ne descend pas de la droite du Père les mains vides ; il vient chargé de dons précieux, mais saurons-nous les recevoir ? Ces dons, ce sont des grâces d’illumination pour mieux comprendre les mystères de la foi, des grâces de forces pour porter au monde le message de l’Evangile, des grâces de conversion pour que nous mettions nos pas dans les pas du Seigneur.
Toutes ces faveurs embaument l’âme de la joie de la crèche qui est une joie simple, dépouillée, spirituelle, mais combien plus authentique que les plaisirs factices de cette vie et les illusions de notre société, hélas gagnée par l’indifférence et l’individualisme.
Exposons à la lumière de Noël les grandes souffrances de notre temps : la guerre, la faim, la misère qui sévissent dans certains pays du monde ; la misère spirituelle de notre Europe déchristianisée ; la solitude et le drame du péché qui peuvent nous accabler ; les lois qui décomposent la cellule familiale ou bafouent le don précieux de la vie, menacée du début à la fin. Les premières victimes de cette décomposition de la cellule familiale sont bien sûr les couples et les enfants. Aujourd’hui, faisons le pari de la lumière : acceptons de considérer en vérité notre destinée et de rechercher le bonheur à partir d’une interrogation saine et libre de tout calcul et qui ne fait pas l’impasse sur les sujets difficiles : qui suis-je ? Quel sens je veux donner à ma vie ? Quelle place j’accorde au Seigneur dans mon quotidien ? Quelle place j’accorde à mon frère ? Comment réveiller mon pays, la France, l’Europe, union de nations aux racines chrétiennes ?
La parole de Dieu se fait homme : nous sommes invités au dialogue, à la rencontre
C’est de cet homme, ce messie, du Christ que nous parle Jean. Nous sommes loin du bébé de la crèche- et pourtant c’est la même personne. Jean nous ramène à la genèse du monde. Dans le tout petit Enfant de la Vierge, c’est le Verbe de Dieu qui s’est fait chair. Le Verbe était tout entier tourné vers Dieu dès l’origine, en dialogue d’amour. La création, jusqu’à nous aujourd’hui, est le fruit de ce dialogue amoureux.
La vocation définitive des hommes, c’est de participer en conscience à ce dialogue avec Dieu. Depuis l’Incarnation, ce n’est plus à la Loi que nous sommes soumis. Nous sommes invités à une rencontre, à une conversation, à un partage. A Noël la Parole de Dieu vient dialoguer avec nous. Prenant la condition humaine dans toutes ses dimensions, Dieu a voulu avoir besoin des hommes et c’est pourquoi : « Il y eut un homme envoyé par Dieu ; son nom était Jean. Il est venu comme témoin ». Etre témoin « pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous croient par lui. » Voilà la mission des disciples, voilà notre mission. Car la Bonne Nouvelle de Noël, nous ne pouvons pas la garder pour nous ! « L’amour du Christ nous presse » dira Paul (2 Co 5, 14) et « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! »(1 Co 9, 16).
Joyeux Noël, chers frères et sœurs, restez émerveillés par la rencontre de Dieu, Parole qui prend un chemin d’humilité, le chemin de l’homme, en ce jour de Noël. Parole incarnée qui nous invite à la rencontre, qui nous envoie en mission !
Is 52, 7-10; Ps : 97, 1.2-3ab, 3cd-4, 5-6; He 1, 1-6; Jn 1, 1-18 ou 1, 1-5.9-14 (lecture brève)