27 janvier 2000 : « Messe à Mbind Diawoye. »
Je prépare mon usuelle « valise-sacristie », je saute dans la voiture et je parcours environ 7 km de piste dans la brousse, pour atteindre ce petit village de la mission de Nguéniène.
En apercevant ma Renault Express, deux enfants courent vers moi pour me souhaiter la bienvenue. Je n’avais pas célébré la messe là-bas depuis le début de l’hivernage. Leur petite chapelle n’était plus debout. Je salue un petit groupe de jeunes et quelques adultes qui, pelles à la main, étaient en train de creuser je ne sais quoi. En guise de cloche, le catéchiste bat avec un morceau de fer une grosse barre métallique qui pend de l’arbre pour avertir les gens que le père est arrivé au village et pour les inviter à la messe.
Le ronier magique
Comme d’habitude, je fais un tour des maisons pour saluer les gens. Peu de familles, à vrai dire. Et de celles-ci, seulement trois sont chrétiennes mais naturellement, la salutation est pour tous, chrétiens ou non !
D’une maison à l’autre, j’entends dire plusieurs fois : « Gari i ñaktu ! » (Viens prendre le petit déjeuner !) Alors que certains sont encore en train de manger le couscous, d’autres reviennent des champs, avec les charrettes chargées de paille et de tiges de mil. Les femmes vont ou viennent du puits avec des bassines sur la tête. C’est la vie de chaque jour…
La visite terminée, je me renseigne pour savoir où nous allons célébrer la messe puisqu’il n’y a plus de chapelle. Surprise ! Sur le lieu où il y avait la chapelle, il y a déjà quatre poteaux en forme de fourche plantés à terre, et, au signe du plus âgé d’entre eux, les jeunes soulèvent le vieux toit de feuilles de « ronier » (semblable au palmier), en l’appuyant sur les poteaux.
La chapelle qui, un instant avant, n’existait pas, vient de prendre vie ! Le proverbe seereer, de la sagesse populaire, est vrai : « Ndof jegee tebel » (du ronier, rien n’est jeté). Cet arbre non seulement est l’élément fondamental pour la construction de leurs maisons, mais aussi pour cette chapelle improvisée !
En un éclair, tout est prêt. Avec de minuscules balais en osier, les femmes balayent par terre ; les garçons portent une vingtaine de briques en argile qui serviront de bancs ; une femme installe un mortier (récipient dans lequel on pile le mil) renversé, près de l’autel, comme « trône » du prêtre ; les hommes, faisant la chaîne, se passent de main en main des bottes de paille pour dresser une barricade. Deux parois sur quatre sont déjà ainsi élevées.
Je suis au milieu d’eux
Enfin la messe commence ! En tout, une douzaine d’enfants et une quinzaine de jeunes et d’adultes. J’avoue qu’en écoutant la lecture, je me suis laissé distraire en pensant à cette chapelle, en pleine brousse, sans porte et avec deux seules parois de paille… Je me disais que depuis à peine un mois avait été ouverte La Porte Sainte pour commencer le Grand Jubilé de l’an 2000. Et devant les yeux, je n’avais aucune porte… et je ne voyais pas non plus les fameuses colonnades de la belle et majestueuse place St Pierre ! L’absence des deux autres parois favorisait la vue d’un spectacle naturel : des palissades autour des cases, des greniers, des manguiers en fleur, des roniers, des chiens qui se poursuivaient en aboyant, et des personnes sur les charrettes qui, parcourant la piste, se dirigeaient vers Nguéniène où ailleurs.
Je proclame la parole de Jésus : « Jésus se retourna et, voyant que les disciples le suivaient, leur dit : Que cherchez-vous ? Ils lui dirent : Maître, où demeures-tu ? Il leur dit : Venez et voyez. » (Jn 1, 35-42).
Je leur dit que cette même question, Jésus la pose à chacun de nous. Le cherchons-nous vraiment ? Avons-nous le même désir que ses disciples de savoir où Il demeure ? Répondons-nous avec joie à son invitation ? « Ils vinrent donc et ils demeurèrent auprès de lui ce jour-là. » (Jn 1, 39).
Peut-être, Dieu aurait-Il pensé : « Aujourd’hui, à Mbind Diawoye je n’avais aucune demeure, mais vous, chrétiens ou non, animés d’une bonne volonté, vous m’avez préparé une chapelle. »
Oui, habitants de Mbind Diawoye, Dieu a vu et apprécié votre effort ! Il a vu l’Église que vous êtes et celle que vous avez faite. Même si simple, elle est toujours une « petite-grande » église parce que construite ensemble, pour Lui. Certainement, Dieu est content, et moi aussi, et je vous remercie de l’exemple que vous me donnez.
Les disciples te demandaient : « Maître, où demeures-tu ? » Aujourd’hui, 2000 ans après, ta réponse est toujours la même : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux. » (Mt 18, 20).
Père Alfonso Bartolotta, OMI.
LE SENEGAL
Le peuple sénégalais est constitué d’un grand nombre d’ethnies qui cohabitent plutôt en bonne intelligence. La définition du mot « ethnie » porte à polémique, mais le critère linguistique est aujourd’hui privilégié pour distinguer ces ensembles et sous-ensembles de population. Les Chrétiens représentent moins de 5 % de la population sénégalaise et sont principalement des Catholiques. Cette religion fut d’abord introduite en Casamance par les missionnaires portugais puis par les prêtres français. Cette année marquera le 175e anniversaire de présence missionnaire au Sénégal de la congrégation des Sœurs de Notre-Dame de l’Immaculée de Castres. Pour en savoir plus >> |