23 Fév 2021

L'exigence de la fraternité nous presse

« Nous sommes en train d’écrire une page de l’histoire de l’humanité »

 

C’est de cette fraternité dont le Saint-Père nous a également longuement entretenus dans sa dernière encyclique Fratelli Tutti. Si le pape insiste tant sur ce sujet, c’est que l’exigence de la fraternité nous presse. Ce n’est que dans la mesure où nous serons capables de la faire grandir sur cette terre que nous garantirons la paix et que nous préparerons sereinement l’avenir pour les générations futures !

Il y va de l’avenir de l’humanité. Notre monde est meurtri, divisé par les guerres, les conflits politiques, les disparités économiques entre continents et maintenant la pandémie qui semble résister à toute notre science et qui apparaît comme un accélérateur et un révélateur de nos fragilités, particulièrement pour les plus pauvres d’entre nous.

Saurons-nous faire preuve de fraternité ou l’égoïsme des pays développés aura-t-il le dernier mot dans la course aux vaccins et aux traitements contre l’épidémie de covid ? Laisserons-nous mourir dans l’indifférence nos frères des pays lointains pour nous garder le privilège exclusif de l’accès aux soins ? Lorsque la pandémie s’effacera, car n’en doutons pas elle finira par s’effacer, aiderons-nous les pays les plus meurtris à sortir de la crise économique, de la pauvreté, des conflits militaires et politiques qui, inexorablement, viendront ou assisterons-nous passivement à l’explosion de la misère et à l’accélération des flux migratoires qui lui est inévitablement liée ? Oui, nous sommes en train d’écrire une page de l’histoire de l’humanité. La page est vierge pour le moment, il nous appartient d’y écrire une bonne nouvelle pour les générations à venir !

 

« Comment voulez-vous en sortir ? »

« Lorsque nous sortirons de cette pandémie, disait le pape François à la Pentecôte 2020, nous ne pourrons pas continuer à faire ce que nous faisions, et comme nous le faisions. Non, tout sera différent… Des grandes épreuves de l’humanité, parmi lesquelles cette pandémie, nous ressortirons meilleurs ou pires. Ce n’est pas la même chose. Je vous le demande : comment voulez-vous en sortir ? Meilleurs ou pires ? » Laissons résonner au plus profond de notre cœur cette question du pape François.

Alors que nous sommes séparés les uns des autres, à distance en apparence, nous pouvons faire de ce carême un temps propice à vivre la fraternité et la communion. Un temps pour rêver comme nous y invite le pape François dans son encyclique, non pas en nous perdant dans des songes stériles, mais en imaginant la fraternité du XXIe siècle. Qu’est-ce que la fraternité pour un disciple de Jésus-Christ aujourd’hui ?

Comme nous le rappelle le pape François dans Fratelli Tutti, nous appartenons à une seule et unique humanité, tous également dignes et égaux devant le Père qui nous a engendrés à la vie, devant le Fils qui nous ouvre les portes de l’éternité et dans l’Esprit Saint qui veut faire sa demeure dans notre cœur pourvu que nous acceptions de nous mettre humblement en chemin et de nous convertir chaque jour un peu plus.

Mais qu’est-ce que la fraternité, me direz-vous ? Un slogan publicitaire, une idée d’hommes politiques en mal de réélection, une mode ? Nous pourrons cheminer vers une meilleure compréhension de ce qu’est la fraternité si nous accueillons, le cœur et les mains grand ouverts, la miséricorde de Dieu qui se révèle dans le don qu’Il nous fait de son Fils et dans le don que celui-ci nous fait de sa propre vie, don sans cesse actualisé dans les sacrements.

Comme la paix, la fraternité est d’abord un don de Dieu avant d’être une tâche à accomplir pour les hommes. Ce n’est pas en nous contentant de la graver sur le fronton de nos édifices publics que nous l’incarnerons dans nos vies. La fraternité, nous la voyons à l’œuvre dans la longue patience et l’investissement sans répit de nos soignants depuis bientôt un an. Nous la voyons à l’œuvre dans l’engagement de celles et de ceux qui chaque jour, inlassablement, s’engagent dans le monde, pour l’amélioration des conditions de vie des plus pauvres. La fraternité c’est encore le choix de celui qui préfère le dialogue, même difficile et imparfait, à la guerre.

« Nous ne pouvons invoquer Dieu, Père de tous les hommes, si nous refusons de nous conduire fraternellement envers certains hommes créés à l’image de Dieu… L’Église réprouve donc, en tant que contraire à l’esprit du Christ, toute discrimination ou vexation opérée envers les hommes en raison de leur race, de leur couleur, de leur classe ou de leur religion » proclamait déjà le Concile Vatican II (Nostra Aetate n° 5).

 

La fraternité est possible lorsqu’on a un père divin !

Oui, l’amour de Dieu est pour les hommes, pour tous les hommes et comme Dieu n’a pas de mains, c’est par nos mains qu’Il veut construire chaque jour un monde plus juste, plus authentique, un monde de paix, de partage et de fraternité.

Saint Jean nous le dit, nous saurons que nous aimons Dieu que nous ne voyons pas lorsque nous serons capables d’aimer le frère que nous voyons. Pour Jean, l’amour de Dieu et l’amour du frère sont inséparables. « Si quelqu’un dit :  »J’aime Dieu’, alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas », lit-on dans la première lettre de Jean (1 Jn 3, 23).

Un des premiers fruits de la Pentecôte est le don de l’esprit de fraternité. Après l’effusion de l’Esprit Saint, nous voyons les portes s’ouvrir, les murs céder et les premières communautés de disciples voient le jour. Ainsi peut-on lire dans les Actes : « La multitude de ceux qui étaient devenus croyants n’avaient qu’un cœur et qu’une âme et nul ne considérait comme sa propriété l’un quelconque de ses biens ; au contraire, ils mettaient tout en commun » (Ac 4, 32-33).

C’est dans ce geste de partage que les premières communautés ont trouvé leur chemin pour vivre la fraternité. Quels nouveaux chemins allons-nous découvrir à l’heure de la mondialisation, des médias de masse, à l’heure où, à chaque seconde, par les réseaux sociaux et les chaînes d’information en continu, les malheurs et des joies qui font l’ordinaire de la vie de nos contemporains nous sont communiqués ?

 

« Au cœur de notre petitesse se logent l’espace, le vide, que Dieu vient remplir de son amour et de sa miséricorde. »

Rien de ce qui est humain ne peut être étranger au cœur du disciple de Jésus-Christ. Un cri de désespoir à l’autre bout du monde doit retentir à nos oreilles avec la même force, la même urgence que celui de notre voisin, de notre enfant, car c’est le cri d’un frère qui a besoin de nous, qui crie à l’injustice, à la misère, à la violence et au mal sous toutes ses formes. L’apôtre Paul, après nous avoir magnifiquement rappelé l’histoire de notre Salut dans la lettre aux Colossiens, nous invite à vivre en frères, à cause de ce salut qui nous est donné gratuitement : « Ainsi, en tant qu’êtres choisis par Dieu, saints et bien-aimés, revêtez-vous de sentiments de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur, de patience » (Co 3,12). Certaines traductions de la Bible n’hésitaient pas à parler « d’entrailles de miséricorde ». La Bible n’a jamais eu peur d’employer des images fortes pour tenter de nous faire pénétrer dans l’inouï de l’amour de Dieu pour l’humanité. La fraternité vraie, le désir authentique de vivre en frères, parce qu’il est désir et non pas raisonnement, parce qu’il est don de Dieu, nous saisit au plus profond de notre être, dans nos entrailles précisément, pour devenir l’urgence qui nous porte vers celui que nous pouvons voir enfin comme un frère.

C’est notre dignité d’enfants de Dieu, notre condition humaine, cette condition dont la pandémie nous fait redécouvrir toute la fragilité, la vulnérabilité et la pauvreté, qui est le fondement de la fraternité pour le disciple du Christ. Mais il n’y a pas que cela. Après avoir reconnu toute l’étendue de la précarité de notre condition humaine, la foi nous enseigne bien plus et nous conduit bien plus haut. Il serait misérable de ne contempler que notre infinie insignifiance et Dieu ne veut rien de tel pour les hommes. Au cœur de notre petitesse se logent l’espace, le vide, que Dieu vient remplir de son amour et de sa miséricorde.

Oui, Dieu s’est penché sur notre infinie pauvreté pour la revêtir des splendeurs de sa gloire et ce don n’est pas réservé à une élite, à quelques privilégiés triés sur le volet. Ce don est pour tous les hommes et, plus encore, il est d’abord donné aux plus petits parmi les hommes, à celui qui est configuré à l’image de l’enfant dans la crèche, à l’image de l’homme sur le chemin du calvaire, de l’homme sur la croix. Oui, Dieu se donne d’abord aux plus pauvres d’entre nous et vivre en frères c’est aussi cela, c’est contempler le mystère de Dieu dans les yeux de celui que nous pensons aider.

Vivre la fraternité, ou du moins, à échelle d’homme, tenter de la vivre du mieux possible, sans avoir peur de se tromper ou de rater quelques marches dans ce chemin de l’ascension vers Dieu, c’est donc tout cela ensemble, se découvrir frères car fils de l’unique Père, sauvés par l’unique Fils, unis dans l’Esprit Saint pour ne plus former qu’un seul corps. La route sera longue et le chemin ardu car il n’est pas naturel aux hommes de vivre en frères. La fraternité est un fruit de la grâce et notre mission de baptisés est d’accueillir cette grâce, de la cultiver, de la soigner, de la nourrir, et de demander sans cesse à Dieu de nous aider à grandir sur cette route. Avouez que cela en vaut la peine ! Dieu compte sur nous. C’est difficile, mais notre foi est exigeante car elle nous conduit sur le chemin de la vérité avec laquelle on ne transige pas !

 

Reconnaître son frère

Mettons-nous en route, confions au Seigneur toutes nos faiblesses, toutes nos difficultés. Comment voir un frère dans le S.D.F. défiguré par la solitude, le manque d’hygiène et la rue ? Comment voir un frère dans le migrant perdu dans un pays dont il ne comprend ni la langue ni les usages ? Comment voir un frère dans cette paroissienne, dans ce paroissien, assis à côté de moi à la messe, qui marmonne, chante faux et m’empêche de prier ? Et ce voisin qui met sa poubelle sous mes fenêtres ? Oui, c’est difficile mais cela n’est pas impossible, cela est même une urgence pour notre monde.

 

Rejoindre Dieu

Afin de vous aider à cheminer en ces temps incertains où le confinement peut à tout moment nous tenir éloignés de nos paroisses, les OPM, en partenariat avec la paroisse Saint-Ruf d’Avignon,  vous invitent à un temps de retraite du 23 au 27 mars.

Dans cette retraite, c’est Dieu qui vient vous rejoindre dans l’intimité de votre foyer. Durant cette retraite, vous pourrez prier l’office, recevoir des enseignements, prier, non pas seul mais en union intime avec vos frères et sœurs qui partageront le même temps de retraite et bien sûr avec toute l’Église unie dans ce temps du carême. Ce sera l’occasion de laisser se creuser en vous le désir de l’autre comme visage du Tout Autre et de redécouvrir combien l’humanité est interdépendante. C’est Dieu qui l’a voulu ainsi car notre Dieu est un Dieu trinitaire, un Dieu de relation et cette relation à un nom : l’amour.

Les inscriptions pour cette retraite sont en ligne sur le site www.moncareme.fr

Le coffret que vous recevrez, les enseignements du père Baudouin Ardillier, les lettres très personnelles de plusieurs missionnaires, la radio et internet seront des instruments au service de votre rencontre avec Dieu Sauveur. Mais ce sont aussi des moyens pour tisser des liens spirituels entre nous et avec l’Église du monde entier.

Puisse ce carême de l’année 2021, si particulier, être l’occasion pour nous tous de grandir sur le chemin de la fraternité.

+ Monseigneur Georges Colomb,
Directeur national des OPM

 
* Intervention du pape François pour la célébration du deuxième anniversaire de la signature du document sur la Fraternité humaine.

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