2 Mar 2024

Le zèle pour Ta maison - dimanche 3 mars

Chaque dimanche, le Père Anh Nhue Nguyen, secrétaire général à Rome de l’Union Pontificale Missionnaire, livre à notre réflexion son commentaire missionnaire biblique.

3 mars 2024, 3e dimanche de Carême, année B
Ex 20,1-17; Ps 18; 1Co 1,22-25; Jn 2,13-25

Le zèle pour Ta maison

L’Évangile de ce troisième dimanche de Carême nous invite à réfléchir sur un épisode clé de la vie de Jésus qui fait allusion au mystère de son sacrifice suprême sur la croix. Il s’agit de ce que l’on appelle l’expulsion des marchands du temple de Jérusalem par Jésus. Dans l’Évangile de Jean, cet événement est raconté dans le contexte significatif de la première Pâque de Jésus au Temple, après son premier signe à Cana en Galilée, où « Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui » (Jn 2,11). Jésus « descendit à Capharnaüm » (sous-entendu avec les disciples, v.17) (cf. Jn 2,12). Au-delà de la différence entre les évangélistes quant au moment où l’épisode se produit (au début de la vie publique de Jésus comme ici en Jn ou à la fin, avant sa Passion, comme dans les synoptiques Mt, Mc et Lc), ces multiples témoignages des différentes traditions affirment la fiabilité historique de l’épisode de la vie de Jésus et, d’autre part, soulignent l’importance théologique du récit dans les évangiles : ce qui se passe maintenant a un lien direct et inséparable avec la crucifixion de Jésus par la suite. C’est précisément dans cette perspective de la Croix que nous devons méditer le passage !

Ici aussi, comme tant de fois dans notre cheminement avec la Parole de Dieu, nous avons besoin d’une scrutatio, d’une lectio divina, d’une contemplation de chaque détail du passage évangélique, bien structurée en trois moments action-discussion-conclusion, afin d’accueillir en profondeur ce que l’Esprit veut dire à chacun d’entre nous aujourd’hui.

1. La scène : une action prophétique de Jésus

Nous voyons d’abord un Jésus inhabituel avec une action très véhémente qui ressemble à celles accomplies à maintes reprises par les prophètes d’Israël. Il s’agit d’un signe-action pour transmettre un message divin (vv. 14-17). En d’autres termes, par son geste, nous ne pensons pas que Jésus ait voulu résoudre une fois pour toutes le problème de la présence des marchands dans le Temple, car, selon toute probabilité, il était bien conscient du fait que ceux-ci, bien que chassés par Jésus à ce moment-là, reviendraient sûrement demain, lorsqu’il ne serait pas là, pour continuer à faire des affaires comme d’habitude (selon l’expression anglaise business as usual !). Par cette action peu courtoise, Jésus a voulu transmettre un enseignement fort et fondamental à toutes les personnes présentes, en particulier à ses disciples.

Tout commence au moment où « dans le Temple, il trouva » les différents marchands. Il faut souligner qu’ici l’évangéliste parle littéralement de l’enceinte du temple (ieros) (également au v. 15), à distinguer du “temple (proprement dit)” ou “temple-sanctuaire” – naos aux v. 19.20.21. C’est-à-dire qu’il s’agit de la partie extérieure du Temple, et l’épisode s’est peut-être déroulé dans la partie appelée Cour des païens, où même les païens pouvaient entrer et où il régnait donc une grande confusion, en particulier pendant la Pâque. C’est là, comme nous l’apprennent les sources historiques, que le grand prêtre Caïphe a organisé en l’an 30 un marché pour l’achat d’animaux de sacrifice (bœufs, moutons, colombes…) et des tables de change pour servir les pèlerins. (Le Sanhédrin gérait des installations similaires sous le Mont du Temple, dans la vallée de Cedron !) Tout cela, cependant, n’était pas si ouvertement contraire au caractère sacré du Sanctuaire lui-même. Au contraire, il a toujours été au service du peuple. (À ce propos, peut-on penser à nos sanctuaires modernes ! C’est l’éternel problème du discernement – “le diable et l’eau bénite”. Pensons au temple-sanctuaire de notre corps, de notre ieros-naos ! Y a-t-il du chaos ? Peut-être que tout semble en ordre, mais en réalité rien n’est en ordre selon Dieu ! Quoi qu’il en soit, vous, invitez toujours Jésus à entrer pour pour arranger les choses de votre temple selon l’ordre divin !)

Face à une telle situation, Jésus fit « un fouet avec des cordes, et les chassa » les marchands. La vivacité des détails laisse entrevoir un témoin oculaire derrière les mots écrits. Des bâtons ou d’autres instruments plus lourds (comme des fusils !) n’étaient pas disponibles, parce qu’ils étaient interdits dans ce pays. (On notera curieusement un traitement plus léger des colombes et de leurs vendeurs. Peut-être a-t-il vu dans ces colombes l’image du Saint-Esprit ! ) Cependant, comme nous l’avons déjà souligné, le but de Jésus n’était apparemment ni de punir les vendeurs, ni de détruire leurs marchandises afin qu’ils ne puissent pas reprendre leurs activités. Tout cela nous conduit à l’exhortation qui éclaire le vrai sens de l’action-mission de Jésus: « Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce ». Tel est le message de l’action symbolico-prophétique de Jésus qui fait allusion aux actes et aux paroles de Jérémie cinq siècles plus tôt (voir Jr 7,1-11 : « caverne de bandits »). De plus, à la différence de Jérémie, la phrase de Jésus n’est pas seulement une invitation à un véritable respect-vénération du Sanctuaire, mais elle contient aussi la première auto-révélation de la filiation divine (« mon Père ») ; pensons aux paroles de Jésus, âgé de douze ans, à ses parents, également dans le Temple : « Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? » (Lc 2,49).

Voyant et entendant tout cela, comme le note l’évangéliste, « Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit : “ L’amour de ta maison fera mon tourment ”». Il s’agit d’un commentaire “personnel” de l’évangéliste sur l’événement, qui remet en cause la citation du Ps 69,10, mais qui change le temps du verbe qui, dans le psaume, est au présent («il me dévore») et ici au futur («il me dévorera») (voir Ps 69,8-13). L’expression ne se réfère donc pas tant à ce qui vient de se passer, mais à tout ce qui est à venir dans la vie de Jésus. C’est donc la devise de sa vie : “ Me voici, je viens faire ta volonté, avec tout le zèle du cœur, de l’âme et du corps “ (cf. Ps 40, 8-9). C’est le zèle “pour Ta maison”, pour le Sanctuaire divin, pour la demeure de Dieu parmi les hommes, en somme pour “les choses” de Dieu. (S’il en a été ainsi pour Jésus, on peut naturellement demander à chacun de ses disciples-missionnaires : “Quelle est votre devise pour la vie ? Où vous situez-vous dans le zèle pour les choses de Dieu ?” Voir Is 62,1 ; Ps 132,3-5 ; 137,5-6).

2. La dispute : une parole prophétique

La réaction des “Juifs” est bien différente de celle des disciples de Jésus. Ils demandent à Jésus, même avec une certaine colère : « Quel signe peux-tu nous donner ? ». C’est la question “classique” pour reconnaître l’autorité qui vient de Dieu (cf. Jn 6,30), comme on le voit aussi dans les évangiles synoptiques (cf. Mt 12,38ss ; 16,1ss ; Mc 8,11ss ; Lc 11,16ss). Là comme ici en Jn, Jésus refuse la demande, mais laisse l’allusion au signe de la résurrection. Il répond en fait par la déclaration clé, le point culminant et le centre de tout ce qui s’est passé : « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai ». Dans cette phrase, il est beau (intentionnel ?) le verbe à double nuance “je ressusciterai” (ou “je relèverai”) qui indique à la fois la reconstruction d’un édifice et la résurrection (cf. v. 22 !). On retrouve ici l’ambiguïté johannique habituelle et donc l’incompréhension des juifs (ironie de Jn) et l’explication de l’évangéliste (« Mais lui parlait du sanctuaire de son corps »). L’impératif “ détruisez ” reflète l’idiome sémitique ; il implique un conditionnel “si vous détruisez”, ou plutôt un constat “vous êtes en train de détruire” ou “continuez à détruire”. L’expression « en trois jours » n’est pas nécessairement destinée à indiquer un temps exact, mais simplement un court laps de temps (cf. Os 6,2).

3. Conclusion : le souvenir pour la foi et l’épilogue

Le récit évangélique se termine sur une note importante concernant ce que l’on appelle la “sainte mémoire” des disciples de Jésus, mentionnée plus haut dans le passage. Toutefois, il est maintenant clairement spécifié que ce souvenir a eu lieu après la résurrection de Jésus, donc sous l’action de l’Esprit : « se rappelèrent qu’il avait dit cela ; ils crurent à l’Écriture et à la parole que Jésus avait dite ». Cette dernière expression rappelle la réaction des disciples à Cana (crurent en lui ; Jn 2,11), mais elle est très originale ici, car elle met l’Écriture en parallèle avec la parole (au singulier !) de Jésus en laquelle les disciples ont cru.

Mais à quoi la foi fait-elle référence ici ? Quel en est le contenu ? Il s’agit avant tout de croire à l’annonce prophétique de Jésus concernant le Temple : « en trois jours je le relèverai ». Elle s’est produite dans la résurrection du Temple de son corps, exactement selon l’Écriture et selon ce qu’il a dit. De plus, la foi est impliquée dans le fait que maintenant le Temple n’est plus le Temple matériel de Jérusalem, mais le corps de Jésus, mort (c’est-à-dire détruit) et ressuscité (c’est-à-dire reconstruit). Ainsi est inaugurée la véritable “maison du Père”, qui est Jésus, par qui, avec qui et en qui s’élève toute la louange qui lui est agréable (per ipsum, cum ipso et in ipso !). Croyez-vous donc vous aussi (l’Écriture et les paroles de Jésus) ? Vous sentez-vous consumés de zèle pour cette “maison du Père” qu’est le Corps de Jésus mort et ressuscité ? Par conséquent, êtes-vous également passionné par l’Écriture et les paroles de Jésus que vous croyez ? Où en êtes-vous dans votre foi en Jésus ?

Dans cette perspective, même ce qui est mentionné dans l’épilogue après l’événement peut servir à la purification de notre foi en Jésus. En effet, le phénomène de la foi de beaucoup en Jésus sur la base de la vision des signes est mentionné. Jésus ne fait pas confiance à une telle foi ! Ce qu’il faut, c’est une foi mûre, plus profonde, plus enracinée aussi et surtout dans la Parole de Dieu, dans les Écritures et dans tout ce que Jésus a enseigné avec l’autorité du Fils. Après tout, nous avons déjà entendu la voix de Dieu sur la montagne de la transfiguration : Ecoutez-le ! Nous devons donc aussi renouveler notre engagement à écouter attentivement les Écritures et les paroles de Jésus-Christ, la sagesse et la puissance de Dieu, afin que nous-mêmes, ses disciples-missionnaires, puissions transmettre aux autres, avec zèle et fidélité, tout ce qu’il nous a enseigné pour poursuivre sa mission évangélisatrice dans le monde entier. Qu’il en soit ainsi. Amen.

Télécharger l’homélie et les notes

Ça pourrait vous intéresser

Inscrivez-vous
à la newsletter

Tous les mois, le meilleur de la Mission dans votre boîte mail !

Pour être informé des actualités, laissez-nous votre adresse email via le formulaire ci-dessous.

Veuillez activer JavaScript dans votre navigateur pour remplir ce formulaire.

Suivez-nous
sur les réseaux sociaux