27 Juin 2025

"Unis dans la foi et la mission dans le Christ"

Saints Pierre et Paul, apôtres.

Chaque dimanche ou Solennité, le Père Anh Nhue Nguyen, secrétaire général à Rome de l’Union Pontificale Missionnaire, livre à notre réflexion son commentaire missionnaire biblique.

Textes Ac 12, 1-11; Ps 33; 2 Tm 4, 6-8.17-18; Mt 16, 13-19

Le 29 juin, qui coïncide cette année avec un dimanche, on célèbre la solennité des saints Pierre et Paul dans toutes les églises. (Cette célébration liturgique prime sur les dimanches du temps ordinaire.) Ces apôtres du Christ représentent deux piliers de l’Église et témoins de la foi qui ont laissé une empreinte indélébile dans l’histoire du salut. Selon le Catéchisme de l’Église catholique, Pierre, appelé à être le fondement de l’Église, nous rappelle l’importance d’une foi vivante et du témoignage personnel du Christ. Paul, quant à lui, nous exhorte à vivre la vocation chrétienne avec courage et dévouement, en apportant la Bonne Nouvelle du Christ à toutes les nations.

Le passage évangélique d’aujourd’hui nous offre des points utiles de réflexion sur leur appel à la foi, qui est aussi le nôtre, et sur la mission que le Seigneur confie à ses disciples. Dans l’épisode évangélique qui vient d’être proclamé, avec Jésus et ses disciples sur le chemin, nous avons atteint un tournant de sa mission, lorsque Jésus a demandé aux siens et a obtenu de Pierre, en tant que représentant du groupe, la profession de foi sur son identité messianique. Pour mieux comprendre la signification de cet épisode ainsi que les paroles prononcées par Pierre et par Jésus pour la mission d’alors et d’aujourd’hui, il est nécessaire d’approfondir certains détails, au premier abord non significatifs et souvent délaissés, en partant du lieu de l’évènement.

  1. Le contexte important de la confession de foi de Pierre

Seuls les évangélistes Matthieu et Marc indiquent le contexte géographique de cet épisode ; « dans la région de Césarée-de-Philippe ». Il s’agit d’une ville de style gréco-romain reconstruite par le tétrarque Philippe en l’honneur de l’empereur César-Auguste sur un lieu appelé auparavant Panea (en l’honneur de Pan, divinité de la nature sauvage). (C’est ainsi que Flavius Josèphe, l’historien juif au premier siècle, mentionne la ville avec le nom de Caeserea Panias). L’archéologie moderne a trouvé les restes du sanctuaire de cette divinité grecque et, comme dans toute ville gréco-romaine, nous pouvons aussi imaginer l’existence dans cette zone d’autres autels dédiés à d’autres divinités, de différents monuments « sacrés » , comme saint Paul en a rencontré à Athènes (cf Ac 17,23). Il y a ici un contexte géographique particulier qui reflète le paganisme de l’époque par lequel les gens croyaient en différents dieux selon leurs inclinaisons religieuses ou leurs besoins. Nous trouvons donc Jésus et les disciples dans la zone païenne à la frontière de la partie septentrionale de la Galilée.

De plus, la région de Césarée-de-Philippe se trouve aux pieds du mont Hermon et d’une des sources du Jourdain. Dans cette zone, il y a une concentration de figuiers, que l’on peut encore voir aujourd’hui, en pèlerinage dans le Parc-Réserve naturel de Banias. Le figuier, avec son tronc robuste et haut (jusqu’à 8 mètres) et avec ses feuilles larges, offre un refuge de fraîcheur contre la chaleur du soleil. C’est ainsi que s’assoir sous le figuier et la vigne sera un signe du temps messianique (cf. Mic 4,4).

Un tel contexte géographique nous semble crucial pour comprendre pourquoi Jésus a emmené les disciples aussi loin de leurs bases de Capharnaüm (au moins 10 heures de marche d’après Google Maps !), pour leur faire une demande fondamentale sur son identité. Quelle que soit la manière et indépendamment du regard avec lequel les gens considéraient Jésus dans un monde contemporain comportant un pluralisme de dieux et de croyances religieuses, les disciples sont appelés désormais à professer leur foi en Jésus comme le seul et unique Messie du Dieu d’Israël, du seul vrai Dieu.

On comprend que cette question est toujours actuelle dans notre monde moderne. Chaque disciple du Christ est appelé aujourd’hui à professer sa foi profonde en Lui, comme Pierre et les autres disciples, y compris Paul, au milieu de nombreuses opinions différentes concernant Sa personne parmi les gens. Et cette prise de position claire est fondamentale pour témoigner et partager la foi avec les autres.

2. « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! »

La profession de foi de Pierre dans l’Evangile de Matthieu complète et en même temps explicite les autres formes plus simples rapportées par les évangélistes Marc (« Tu es le Messie ») et Luc (« Tu es le Messie de Dieu »). Pour approfondir plus avant le contenu de cette profession, je vous renvoie aux différents ouvrages de christologie. Je souhaite reprendre ici seulement deux points essentiels.

En premier lieu, Jésus est annoncé comme étant le Christ, ce qui signifie le Messie en hébreu, ce qui veut dire « l’oint ». C’est donc l’Oint de Dieu, annoncé par les prophètes des temps anciens et qui était attendu et espéré par le Peuple élu à la fin des temps. Alors que dans l’histoire d’Israël plusieurs rois, prêtres et même dans certains cas des prophètes étaient les oints de Dieu, la réponse de Pierre à Jésus souligne l’identité singulière de Jésus en tant que Messie, l’Oint des oints, l’unique et définitif, envoyé par Dieu pour sauver son peuple. De plus, dans les mots de Pierre, nous entrevoyons non seulement une affirmation de type intellectuel mais surtout une expression d’adhésion à la personne de Jésus en tant que Christ dans lequel les apôtres se confient désormais et en qui ils mettent toute leur espérance. Il est donc « Celui qui doit venir » dans le monde, comme cela s’est révélé à Jean Baptiste en prison ou comme le déclarera Marthe dans l’évangile de Jean : « Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde. » (Jn 11,27). Avec le venue de Jésus le Christ-Messie s’ouvre pour le Peuple élu et pour le monde entier l’ère messianique annoncée et attendue, dans laquelle chacun s’assied sous la vigne et le figuier, pour reprendre l’image employée par les prophètes précédemment.

En second lieu, en professant que Jésus est le Fils du Dieu Vivant, Pierre déclare sa foi dans la nature divine particulière de Jésus en lien avec le Dieu unique d’Israël, celui qui s’est révélé à Moïse simplement comme « Je suis », Celui qui est. Pour ce titre aussi, déjà dans la tradition biblique juive, on appelait « fils de Dieu » les anges et différents hommes. Cependant, comme le relève le Catéchisme de l’Eglise Catholique, dans cette profession de Pierre on reconnaît « le caractère transcendant de la filiation divine du Messie Jésus » (nn 442-443). C’est tellement vrai que dans l’évangile de Jean, Pierre déclarera au nom du petit groupe des quelques qui sont restés avec Jésus pendant ladite crise de Galilée, lorsque « beaucoup de ses disciples rebroussèrent chemin et n’étaient plus avec lui », après le discours « difficile » « Je suis le pain de la vie » : « Nous croyons, et nous savons que tu es le Saint de Dieu. » (Jn 6,69). De la même manière, l’unicité de Jésus, Fils de Dieu, est souligné avec l’expression « Fils unique du Père » ou simplement le Fils. (Il faut ajouter que dans cet épisode de l’évangile rapporté par Marc, la transcendance divine semble liée implicitement au titre « Le Fils de l’homme » que Jésus a utilisé pour lui-même en demandant aux siens au début : « Le Fils de l’homme, qui est-il, d’après ce que disent les hommes ? »)

3. « La puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle »

Parmi les évangélistes qui racontent le même épisode à Césarée de Philippe, seul saint Matthieu rapporte la réponse de Jésus à Pierre, après la profession de foi de ce dernier. Ce sont des mots inspirés et profonds qui ont fait l’objet de réflexions, d’études, de débats théologiques qui ont duré des siècles (avec entretemps quelques litiges qui sont parvenus jusqu’à nos jours !). Du point de vue spirituel et dans un temps limité, nous nous arrêtons seulement sur deux observations pour bien comprendre le discours.

Tout d’abord, nous notons le caractère particulier du langage de Jésus dans cette louange à Pierre. D’un côté on voit dans le discours l’abondance d’expressions juives reprenant la forme des béatitudes (Heureux sois-tu, Simon…) « ni la chair, ni le sang… » (pour signifier la nature humaine), le binôme lier-délier (pour indiquer le pouvoir total comme dans Is 22, 19-23 de la première lecture) le jeu de mots basé sur le nouveau nom de Simon comme « Céphas » – pierre, rocher. Ca reflète un Jésus « de terrain » pour ainsi dire, avec son acuité et son mode d’expression purement hébraïque, bien enraciné dans la tradition de son peuple.

D’un autre côté, le contenu du discours laisse entrevoir un Jésus en extase, vraiment comme au moment où Il a prononcé la prière de louange à Dieu pour la révélation exclusive aux plus petits ; « Je te rends grâce, Dieu, Seigneur du ciel et de la terre… » (nous avons écouté ceci il y a quelques dimanches). On voit donc un Jésus glorieux, supraterrestre, qui avec une autorité particulière a confirmé la profession de Pierre comme la révélation de Dieu lui-même (dénommé solennellement « Mon père qui est aux cieux») et en conséquence, il a conféré à Pierre un statut (« sur cette pierre je bâtirai mon Eglise ») et une mission particulière (« Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux »).

Nous avons donc ici le discours d’un Jésus terrien et céleste en même temps, qui révèle son projet pour le futur « Royaume des Cieux » et la construction de son Eglise. On note donc la relation étroite entre le Royaume des Cieux et l’Eglise que Jésus a annoncé construire sur cette pierre qui est la personne de Simon Pierre. Le mot « église » qui vient du grec ekklesia reflète l’hébreu qahal qui indique l’assemblée/congrégation du peuple convoquée par Dieu (pour le culte). Entrer dans le Royaume de Dieu signifie logiquement participer a l’église de Dieu que le Christ construit et nomme sienne.

Il faut souligner à ce propos que Jésus parle de son Eglise et de son action d’édification sur la pierre qui est Simon-Pierre. En d’autres termes, l’Eglise est du Christ qui la construit et non de Pierre qui, avec sa profession de foi, reste un instrument, quoique fondamental, pour la fondation de celle-ci. On se rappelle que le Christ lui-même est perçu comme le rocher et en tant que tel, il n’y a aucun fondement si ce n’est le Christ lui-même. Ainsi il faut comprendre les mots de Jésus à Pierre dans un sens inclusif : pour l’édification de l’Eglise, Pierre sera la pierre en Christ – l’unique pierre d’angle et le fondement de tout, et ça par la volonté du Christ lui-même. De cette manière, on peut comprendre que malgré la faiblesse humaine de Pierre et de tous les autres dans l’Eglise, les portes de l’enfer ne prévaudront par sur elle, parce que derrière Pierre et généralement derrière toute l’Eglise il y a Jésus, le Christ, le Fils du Dieu Vivant qui soutient autant l’un que l’autre. Du reste, Jésus a dit lui-même à Pierre et aux autres disciples avant la Passion; « Simon, Simon, voici que Satan vous a réclamés pour vous passer au crible comme le blé. Mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères. » (Lc 22, 31-32).

Par conséquent, dans cette perspective, voilà la belle affirmation du pape Léon le Grand († 461) ; « […] comme dure ce que Pierre a cru en Christ, ainsi dure ce que Christ a institué en la personne de Pierre […] Dans toute l’Eglise, Pierre proclame chaque jour : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! » (De Natale ipsius, III. A cette proclamation perpétuelle et mystique de la foi dans le Christ, Paul y participe lui aussi chaque jour, appelé par la grâce divine du persécuteur de l’Église à être l’apôtre infatigable du Christ parmi les nations. Ainsi, comme il ressort de la deuxième lecture, Paul, désormais proche de la mort, se présente comme un athlète qui a combattu le bon combat, a achevé la course et a gardé la foi (cf. 2 Tm 4, 6-8.17-18). Son témoignage nous incite à persévérer dans la foi, même lorsque le cheminement chrétien- missionnaire devient ardu, car la récompense promise par Dieu est grande : la couronne de justice et la vie éternelle.

En conclusion, Pierre et Paul nous enseignent que la foi exige courage, humilité et fidélité. Leur vie est une invitation à reconnaître Jésus comme le Christ, le Fils de Dieu, et à témoigner de cette foi avec cohérence et amour, même face aux épreuves et aux persécutions. Leur témoignage nous encourage à être d’authentiques témoins de l’Évangile dans le monde d’aujourd’hui, toujours confiants dans l’aide de Dieu qui nous soutient et nous guide. Prions pour que, à l’exemple des saints apôtres Pierre et Paul, nous soyons de fidèles et fervents disciples-missionnaires du Christ, instruments de paix et d’espérance, apportant l’Évangile à tous, avec joie et persévérance. Amen.

Télécharger l’homélie et les notes

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