20 Nov 2022

Le trône du Christ Roi est sur La Croix

 

La mission du roi crucifié

A la fin de l’année liturgique, nous célébrons joyeusement la solennité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Roi de l’univers. Celle-ci a été introduite dans la liturgie de l’Église par le Pape Pie XI en l’Année Sainte 1925 (avec l’encyclique Quas Primas du 11 décembre de la même année), puis confirmée par le Pape Paul VI dans le nouveau Missel romain (approuvé par le Constitution Missale romanum du 3 avril 1969) et placé précisément le dernier dimanche de l’année liturgique.

Comme le pape Pie XI l’a souligné dans l’encyclique précitée, « pour que la société chrétienne bénéficie de tous ces précieux avantages et qu’elle les conserve, il faut faire connaître le plus possible la doctrine de la dignité royale de notre Sauveur ». Et la préface de la messe d’aujourd’hui veut accentuer le caractère avant tout divino-spirituel du royaume du Christ pour l’humanité : « royaume éternel et universel, royaume de vérité et de vie, royaume de sainteté et de grâce, royaume de justice, d’amour et de de paix ». Cette solennité a pris encore plus d’importance depuis 2021, lorsque le pape François a voulu déplacer la célébration de la Journée mondiale de la jeunesse dans tous les diocèses du monde du dimanche des Rameaux à ce jour du Christ-Roi.

Dans une atmosphère aussi festive, l’Évangile nous invite à méditer à nouveau sur quelques traits particuliers importants du Christ-Roi et de sa mission. Ces aspects seront essentiels pour nous de suivre, ses disciples, appelés à poursuivre la même mission d’apporter le royaume de Dieu à tous.

 

1. Le roi crucifié qui ne voulait pas se sauver lui-même

Avec ce passage court mais dense de l’Évangile d’aujourd’hui, la liturgie veut rappeler le dernier moment de Jésus sur la croix. Ainsi, il nous renvoie au « Vendredi saint », à la fin de sa vie terrestre et en même temps à l’aboutissement de sa mission.

La dérision blasphématoire des dirigeants juifs, des soldats romains, et même d’un des criminels, met encore en lumière l’humiliation et la tragédie du moment. On a l’impression d’entendre le refrain de toutes parts au rythme terriblement martelant : “Sauve! Sauve! Sauve-toi toi-même!”

Pourtant, de la non-réaction de Jésus face aux provocations, se dégage toute la patience, la douceur, la détermination « royale » de celui qui n’a qu’une idée en tête, comme Il l’a déclaré dès l’âge de douze ans, l’âge d’un adulte du peuple de Dieu selon la tradition juive : « Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? » (Lc 2,49). C’est lui aussi qui a ardemment et résolument voulu faire le voyage jusqu’à Jérusalem, pour atteindre « tout ce qui a été écrit par les prophètes sur le Fils de l’homme » (Lc 18,31). Ainsi pouvait-on « entendre » du silence du Christ sur la croix, en réponse à ce refrain blasphématoire des moqueurs, le chant de louange incessante, signe de foi et de fidélité totale à Dieu : « Saint ! Saint ! Saint, le Seigneur, Dieu de l’univers ! »

La mission de Jésus est toujours d’accomplir le plan du Père pour le salut de tous, y compris ceux qui ne le comprennent pas, se moquent de lui, le crucifient, et même au prix de la consommation de leur propre vie. C’est là que réside la grandeur du roi divin, le Christ de Dieu, l’élu. Ce sera aussi le chemin de chacun de ses disciples-missionnaires, appelés à avoir, comme le Christ Roi, la même patience, douceur et détermination « royale ».

 

2. Le roi miséricordieux qui donne le ciel

De la scène de la crucifixion, saint Luc nous livre le gros plan exclusif (unique parmi les évangiles) sur la conversation entre Jésus et le « bon larron ». Ici émerge, une fois de plus comme dans bien des épisodes de l’Évangile de Luc que nous avons entendus les dimanches de cette année liturgique, un Jésus plein de miséricorde. Il est le visage miséricordieux de Dieu envers les derniers, les exclus, les repentis, les nécessiteux. La mission du Christ Roi est celle de la miséricorde. Ce n’est pas un hasard si avant même l’épisode du bon larron, Jésus a prié pour le pardon de tous ses bourreaux : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23,34), et cela vaut aussi pour ceux qui pensaient ou se vantaient de savoir ce qu’ils faisaient !

© Atelier Saint-Luc

Son royaume a toujours et à jamais été celui de la « vie […] d’amour et de paix », pour reprendre la préface de la messe d’aujourd’hui, et il sera toujours plus grand que toute petitesse humaine. Et la requête émouvante du larron repentant après avoir sincèrement reconnu la conséquence de son péché, puis défendant publiquement l’innocence de Jésus, devient le modèle de prière pour tous les disciples, voire pour toutes les personnes ayant besoin de salut au moment de l’épreuve et de la mort : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume ». En effet, il fait référence à l’invocation de la miséricorde divine par les membres du peuple de Dieu : « Rappelle-toi, Seigneur, ta tendresse, ton amour qui est de toujours » (Ps 24,6).

 

3. L’éternel « aujourd’hui » du salut offert par le Christ Roi

Face au plaidoyer touchant du voleur dans lequel se fait entendre la voix de chaque homme et femme en quête de salut, la réponse de Jésus est immédiate, et elle est aussi belle et en même temps pleine de significations théologico-spirituelles : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis ». Comme le montre la formulation initiale (« Amen, je te le dis »), c’est une déclaration délibérément solennelle, comme s’il voulait annoncer à tous ce qu’il a dit à un seul.

Jésus promet, en effet, assure au voleur le salut, c’est-à-dire d’être au paradis avec lui, et cela arrivera « aujourd’hui », ce même jour du « Vendredi Saint » ! (Il n’a pas dit : Attends, cher voleur, trois jours, accroche-toi à la croix, et quand je ressusciterai le troisième jour, alors tu seras avec moi !).

Cet « aujourd’hui » ne se réfère donc pas au temps matériel, mais concerne l’éternel aujourd’hui du salut offert par le Christ Roi crucifié. C’était déjà pour Zachée, lorsqu’il accueillit Jésus dans sa maison, qui déclara : « Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison […]. Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Lc 19,9-10).

De plus, cet « aujourd’hui » avait déjà été proclamé par Dieu à travers ses anges au moment de la naissance de Jésus : « Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur » (Lc 2,11).

On le retrouve ensuite sur les lèvres de Jésus lui-même dans la synagogue de Nazareth au début de ses activités publiques : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre » (Lc 4,21).

Il s’agit aujourd’hui de la mission de Jésus qui apporte le divin évangile à tous les nécessiteux pour rassembler tous les enfants de Dieu dispersés dans le royaume de paix et de salut.

Cet « aujourd’hui » de Dieu et de Jésus continue encore aujourd’hui, et tous les disciples du Christ sont appelés à proclamer à tous ce « jour » du Seigneur qui, finalement, ne sera pas un jour néfaste de condamnation et de feu, mais de pardon et de salut. Peu importe à quel point le passé que chacun porte sur ses épaules peut être laid, mauvais, pécheur, il suffira de se tourner vers Jésus, le Roi crucifié, en invoquant sincèrement son nom, comme le bon larron. Il attend toujours chaque homme et chaque femme avec patience, compréhension et miséricorde.

En donnant le ciel au « bon larron », le Christ-Roi en croix continue mystiquement d’attendre le retour de l’autre larron, le “méchant”, pour pouvoir lui donner à lui aussi « l’aujourd’hui » de son salut dans son royaume.

Nous devons donc apporter à tous ce grand mystère, dans les moments opportuns et inopportuns, ce mystère de l’amour de Dieu dans le Christ pour chaque personne dans le monde. Ainsi le doux royaume du Christ-Roi crucifié s’étend par attraction, qui a aussi promis, prophétisant : « et moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes » (Jn 12,32).

Que les paroles sacrées soient donc toujours dans nos cœurs et sur nos lèvres pour partager avec tous la vérité de l’éternel « aujourd’hui » de notre salut en Christ, le Fils de Dieu et notre Seigneur : « Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé » (Jn 3,16-17).

 

Pour les anglophones, le commentaire du cardinal Tagle…

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