13 Juil 2021

France et Afrique - Père Éric Aka : « Notre monde a le droit d’entendre cette Parole, nous avons donc le devoir de la lui proposer »

Le Père Eric Aka, de nationalité ivoirienne, est un prêtre de la Société des missions africaines. Il est supérieur de la communauté à Lyon. Cette société de vie apostolique compte près de 1000 prêtres de diverses nationalités, venant d’Europe, d’Asie, d’Amérique et d’Afrique. Il nous explique aujourd’hui ce que signifie pour lui « être missionnaire ».

Mon Père, comment avez-vous entendu votre appel au sacerdoce et à la mission ?

Enfant, j’ai été très marqué par un prêtre français de l’Institut du Prado à Abidjan. Il m’a fait aimer l’Église et je voulais lui ressembler. J’ai aussi été marqué par ce qu’a dit Saint Paul : « Malheur à moi si je n’annonce pas la parole de Dieu ». J’ai ainsi ressenti un appel fort à m’engager pour la mission, dans un cadre plus large que celui de mon propre pays.

Quels ont été vos apostolats depuis votre formation ?

Après ma formation en Côte d’Ivoire, au Bénin et au Nigéria, j’ai été ordonné en 2000. J’ai été envoyé au Nigéria, dans une région principalement musulmane. J’ai travaillé au service d’une paroisse de 85 villages reculés. Cette mission de première évangélisation m’a beaucoup plu !

Ensuite, en 2005, j’ai été envoyé en France pour une mission d’animation missionnaire.

En 2011, on m’a envoyé en mission de première évangélisation au Libéria, pays qui venait de traverser 14 ans de guerre civile. Contrairement au nord du Nigéria qui est principalement musulman, le Liberia est très marqué par la présence des Églises évangéliques.

Dans ces différents contextes, comment l’œuvre missionnaire de l’Église catholique se définit-elle ? Comment se distingue-t-elle de celle des autres Églises ?

Pour nous catholiques, la foi nous amène à voir Dieu dans les autres. Nous l’exprimons à travers ce que nous faisons. En servant l’autre, c’est Jésus que je sers. Par exemple, ce qui a marqué les Libériens pendant la guerre, c’est que l’Église catholique aidait les gens sans conditions. On ne demandait pas de carnet de présence à l’Église pour donner de la nourriture aux gens !

L’œuvre caritative pose la question « qu’est-ce qui vous amène à faire cela ? ». Quand les gens savent qu’on les aime, ils se sentent interpellés. Bien-sûr tout ne se résume pas à l’œuvre caritative, il y a l’annonce explicite de l’Évangile à travers la catéchèse et les célébrations !

Comment les missionnaires catholiques africains composent avec le passé colonial ?

Certes la religion chrétienne est venue par le même bateau que le colonisateur. Si nous ne nions pas cette réalité, il faut se garder de toute généralisation hâtive ! 80% des gens de mon villages ne sont pas catholiques. Cela prouve bien que les gens n’ont pas été forcés à la conversion.

Quelque chose m’a marqué quand j’étais scolarisé en brousse. La plupart des enseignants critiquaient les missionnaires, et prétendaient le faire au nom du peuple. Mais, dès qu’ils le pouvaient, ils quittaient la brousse pour rejoindre Abidjan, la capitale. Les seuls à rester étaient les missionnaires catholiques !

J’ai moi-même fait le choix d’être catholique. J’ai été baptisé à l’âge de 11 ans. Ma famille aussi fait ce choix. Il faut respecter le choix que certains Africains ont fait librement !

Au regard de votre expérience, quels sont les enjeux communs entre l’Église d’Afrique et l’Église d’Europe ?

La grande similitude c’est que nous sommes dans un même monde qui a changé, et que l’Église doit y trouver sa place. Cela signifie être visible, entrer en dialogue avec ce monde et donner des repères solides aux nouvelles générations.

Aujourd’hui, le pluralisme idéologique est très mis en valeur. Mais, cela peut conduire à un relativisme qui cause un manque de repère chez les jeunes. La conception même de l’être humain n’est plus la même qu’auparavant. Il suffit de voir le débat autour de la bioéthique. Dès que ces débats sont portés à l’ONU, tous les pays de la planète, notamment ceux d’Afrique, sont concernés !

Un autre enjeu est celui de l’investissement des laïcs. Il ne faut pas que les forces vives qui constituent la communauté chrétienne restent sur le bord du chemin. Chaque baptisé, prêtre, religieux ou laïc, est appelé à la mission et doit prendre ses responsabilités !

Enfin, être missionnaire c’est construire une civilisation de l’Amour. Le Règne de Dieu commence dès ici-bas. Si nous croyons que cela est possible, qu’allons nous faire pour que cela ne reste pas un slogan ?

Pour vous, qu’est-ce que la Mission ?

Pour moi, l’Évangélisation est la Mission. J’aime particulièrement l’idée de « proposition ». Nous devons proposer ce que nous avons de meilleur à donner, c’est-à-dire Jésus-Christ : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ». Il ne s’agit pas seulement de parler de valeur mais vraiment d’imiter le Christ.

Je suis missionnaire et je ne me retrouve pas dans la caricature du missionnaire qui force les gens à se convertir. Lorsqu’on fait de la première évangélisation, on tisse d’abord des liens d’amitié avec les gens. Ensuite, ils nous demandent qui nous a envoyés et nous leur parlons du Christ ! C’est comme ça que des Africains ont pu devenir chrétiens et proposer la foi à leur tour.

Que souhaiteriez-vous dire aux jeunes, qui doivent vivre dans une société de plus en plus éloignée de Dieu ?

Dans l’histoire de l’Église, même les époques de gloire ont eu leurs parts de difficultés. L’époque que nous traversons a aussi les siennes. Mais si nous sommes persuadés que Dieu nous aime, nous avons le devoir de répandre cet amour !

Les jeunes catholiques français peuvent ressentir de la honte. Pourtant, ils ne manquent pas de moyens pour annoncer le Royaume de Dieu ! Notre monde a le droit d’entendre cette Parole, nous avons donc le devoir de la lui proposer.

Les grandes révolutions ont toujours été le fait de petites minorités. Dieu merci, nous sommes minoritaires !

Père Eric Aka sur http://www.sma-dfgg.org

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