26 Sep 2025

Dimanche 28 septembre - Heureux les pauvres

Chaque dimanche ou Solennité, le Père Anh Nhue Nguyen, secrétaire général à Rome de l’Union Pontificale Missionnaire, livre à notre réflexion son commentaire missionnaire biblique.

26ème dimanche du Temps Ordinaire (Année C) – Am 6,1a.4-7; Sal 145; 1Tm 6,11-16; Lc 16,19-31

L’Évangile de ce dimanche est celui qui, par excellence, annonce la bonne nouvelle aux pauvres. Avec cette parabole aux teintes plus folkloriques que dans d’autres, Jésus transmet un message clair sur le renversement du sort des pauvres et des riches dans l’au-delà et, par-là, un avertissement fort à ceux qui s’enferment égoïstement dans leurs richesses sans apercevoir les nécessiteux autour d’eux. C’est une sorte d’illustration narrative de l’antithèse heureux-malheureux que Jésus avait proclamée au début de ses activités: « Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous. (…) Mais quel malheur pour vous, les riches, car vous avez votre consolation ! » (Lc 6,20.24). Le message évangélique est donc clair, mais il est tout de même intéressant de regarder de plus près quelques détails intéressants de cette parabole, unique dans les Évangiles, pour une compréhension plus appropriée et encore plus profonde de ce que Jésus veut nous enseigner sur notre chemin de foi et de mission aujourd’hui.

1. Le pauvre homme et ses souffrances en silence

La situation du pauvre de la parabole est plus que tragique, comme en témoignent les coups de pinceau peu nombreux mais efficaces qui mettent en lumière sa misère : « était couvert d’ulcères. Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche ; mais les chiens, eux, venaient lécher ses ulcères ». Cette description, ou plutôt la dramatisation, des aspects physiques suggère également une certaine souffrance dans l’esprit de ce pauvre homme, abandonné par les hommes à cause de ses plaies et qui est « approché » uniquement par les chiens, animaux considérés comme impurs dans la tradition juive. Ce qui surprend, au milieu de cette immense tragédie personnelle, est le silence des pauvres tout au long de l’histoire. En fait, il n’a jamais parlé de son vivant et reste sans un mot même après la mort, quand « les anges l’emportèrent auprès d’Abraham », c’est-à-dire au bonheur céleste avec les patriarches d’Israël. Cela contraste fortement avec le comportement de l’homme riche qui, comme nous le verrons plus loin, a toujours fait du « bruit » avant et après la mort !

Le silence des pauvres dans la parabole nous fait réfléchir. Chaque disciple de Jésus devra s’interroger et s’inquiéter. Autour de nous, il y a encore tant de pauvres, de nécessiteux, de souffrants, qui n’élèvent pas leur voix. La plupart du temps, ils restent silencieux pour une cause ou une autre. Peut-être faut-il être encore plus attentif à ces « voix silencieuses » proches de nous, qui viennent de situations limites. Et cela est particulièrement vrai pour les disciples missionnaires de Jésus, rappelant ce que le Pape François affirme dans le Message pour la Journée Mondiale des Missions 2022 : « L’Église du Christ a été, est et sera toujours « en sortie » vers de nouveaux horizons géographiques, sociaux et existentiels, vers des lieux et des situations humaines « limites », afin de témoigner du Christ et de son amour à tous les hommes et toutes les femmes de tout peuple, de toute culture et de tout statut social ». Suivant le Christ sa tête, l’Église du Christ n’oublie jamais les pauvres.

2. L’homme riche et son « bruit »

Comme mentionné, l’homme riche de la parabole est très « bruyant ». Au cours de sa vie, il « faisait chaque jour des festins somptueux », comme décrit dans l’histoire. Et nous pouvons imaginer à quel point ses funérailles ont été bruyantes, même si le texte de l’évangile est sobre à ce sujet et dit simplement « et on l’enterra » (peut-être pour souligner la brièveté de tout dans la vie !). Mais le bruit de cet homme riche se fait surtout entendre dans l’au-delà, lorsqu’il a dû séjourner « aux enfers au milieu des tourments ». Comme le rapporte le texte, le riche « cria » à Abraham, et c’est ainsi, comme on peut bien le supposer, que s’établit tout le dialogue entre le riche et le patriarche.

Il faut souligner que la description des souffrances de l’homme riche aux enfers reprend la vision folklorique de la tradition juive du lieu des tourments après la mort pour les méchants (cf. par exemple, Is 66,24 ; Si 21,9-10). Le point central est la grande souffrance que subit le méchant en raison de la séparation éternelle d’avec Dieu et de son Royaume béni, conséquence de son propre choix existentiel (vivre égoïstement avec lui-même et selon sa propre volonté, et non avec Dieu et selon enseignement divin). Le cri désespéré du riche parabolique depuis son lieu de souffrance éternelle sonne comme un avertissement à tous les riches du monde et de tous les temps, qui ne pensent qu’à eux-mêmes et à leurs « somptueux banquets », vivant dans une totale indifférence envers les plus nécessiteux, les plus malheureux. Et cela s’applique également à ceux qui se vantent d’être des « fils d’Abraham », comme l’homme riche de la parabole. C’est donc un appel fort à la conversion et au changement de vie, un avertissement déjà donné par Jean-Baptiste au début de l’Évangile de Luc : « Produisez donc des fruits qui expriment votre conversion. Ne commencez pas à vous dire : “Nous avons Abraham pour père”, car je vous dis que, de ces pierres, Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham ». (Lc 3,8; cf. Jn 8,39).

3. Où est Dieu ?

Enfin, un lecteur/auditeur attentif pourra naturellement se poser une question légitime : dans toute cette parabole qui parle de la vie et de la mort, où est Dieu ? En effet, quelqu’un d’autre peut se sentir perplexe ou intrigué par le fait que Dieu semble absent de l’histoire. Il n’apparaît pas non plus dans les affaires terrestres ni même au ciel, laissant la place au patriarche Abraham qui parle, enseigne, rend le jugement, noyau de l’enseignement parabolique, avec toute l’autorité divine : « Mon enfant, répondit Abraham, rappelle-toi : tu as reçu le bonheur pendant ta vie, et Lazare, le malheur pendant la sienne. Maintenant, lui, il trouve ici la consolation, et toi, la souffrance ».

La dernière observation suggère déjà une réponse à la question de l’absence apparente de Dieu : en réalité, Dieu est présent dans cette histoire, mais de manière subtile. Il agit dans les coulisses. Ceci est d’abord évoqué de manière délicate au nom du pauvre : Lazare. C’est la forme abrégée d’Eléazar qui en hébreu signifie « Dieu aide », « Dieu vient au secours ». Ici, nous avons la seule personne « nommée » dans les paraboles de Jésus dans les Évangiles. Cela souligne à nouveau la force symbolique du nom et de la personne. Ce sont les pauvres qui n’ont que Dieu comme aide, soulagement et consolation dans la vie. Et ce sera le même Dieu qui l’accueillera dans le sein d’Abraham, dans le Royaume des bienheureux. Lui, le bon Dieu, est toujours présent dans chaque pauvre, misérable, abandonné, marginalisé, comme le Christ lui-même dans les affamés, les prisonniers, les déshabillés, les malades, les frères les plus petits.

Il faut noter une présence particulière de Dieu qui est soulignée dans la dernière partie de la parabole. Lorsque le riche souffrant demande à Abraham d’envoyer Lazare admonester « sévèrement » ses cinq frères, le patriarche répond : « Ils ont Moïse et les Prophètes : qu’ils les écoutent ! ». Et l’importance d’écouter « Moïse et les Prophètes » se confirme une fois de plus : « S’ils n’écoutent pas Moïse ni les Prophètes, quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts : ils ne seront pas convaincus ». Voici le Dieu qui continue à parler à travers « Moïse et les Prophètes », c’est-à-dire à travers sa Parole dans l’Écriture Sainte. Il continue à indiquer les voies du salut. En effet, déjà dans la Sainte Écriture, il est averti à cet égard : « Qui fait la sourde oreille à la clameur des faibles criera lui-même sans obtenir de réponse » (Pr 21,13); et ceux qui prennent soin des pauvres sont exaltés : « Heureux qui pense au pauvre et au faible : le Seigneur le sauve au jour du malheur ! » (Ps 40,2). Et Jésus confirme avec autorité l’enseignement divin. Au contraire, il exhorte et réprimande fortement ceux qui « dorment » dans leurs richesses, sans penser avec sagesse à l’avenir.

Prions donc avec les paroles pleines de sens de la prière de collecte du Missel italien : Ô Dieu, qui connais les besoins des pauvres et n’abandonne pas les faibles dans la solitude, libère de l’esclavage de l’égoïsme ceux qui sont sourds à la voix de ceux qui réclament aide, et nous donne à tous une foi ferme dans le Christ ressuscité. Lui qui est Dieu, et qui vit et règne avec toi, dans l’unité du Saint-Esprit, pour les siècles des siècles. Amen.

Télécharger l’homélie et les notes

Evangile

Évangile

« Tu as reçu le bonheur, et Lazare, le malheur. Maintenant, lui, il trouve ici la consolation, et toi, la souffrance » (Lc 16, 19-31)

Alléluia. Alléluia.
Jésus Christ s’est fait pauvre, lui qui était riche,
pour que vous deveniez riches par sa pauvreté.
Alléluia. (cf. 2 Co 8, 9)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, Jésus disait aux pharisiens :
    « Il y avait un homme riche,
vêtu de pourpre et de lin fin,
qui faisait chaque jour des festins somptueux.
    Devant son portail gisait un pauvre nommé Lazare,
qui était couvert d’ulcères.
    Il aurait bien voulu se rassasier
de ce qui tombait de la table du riche ;
mais les chiens, eux, venaient lécher ses ulcères.
    Or le pauvre mourut,
et les anges l’emportèrent auprès d’Abraham.
Le riche mourut aussi,
et on l’enterra.
    Au séjour des morts, il était en proie à la torture ;
levant les yeux, il vit Abraham de loin
et Lazare tout près de lui.
    Alors il cria :
‘Père Abraham, prends pitié de moi
et envoie Lazare tremper le bout de son doigt dans l’eau
pour me rafraîchir la langue,
car je souffre terriblement dans cette fournaise.
    – Mon enfant, répondit Abraham,
rappelle-toi :
tu as reçu le bonheur pendant ta vie,
et Lazare, le malheur pendant la sienne.
Maintenant, lui, il trouve ici la consolation,
et toi, la souffrance.
    Et en plus de tout cela, un grand abîme
a été établi entre vous et nous,
pour que ceux qui voudraient passer vers vous
ne le puissent pas,
et que, de là-bas non plus, on ne traverse pas vers nous.’
    Le riche répliqua :
‘Eh bien ! père, je te prie d’envoyer Lazare
dans la maison de mon père.
    En effet, j’ai cinq frères :
qu’il leur porte son témoignage,
de peur qu’eux aussi ne viennent
dans ce lieu de torture !’
    Abraham lui dit :
‘Ils ont Moïse et les Prophètes :
qu’ils les écoutent !
    – Non, père Abraham, dit-il,
mais si quelqu’un de chez les morts vient les trouver,
ils se convertiront.’
    Abraham répondit :
‘S’ils n’écoutent pas Moïse ni les Prophètes,
quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts :
ils ne seront pas convaincus.’ »

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