23 Juin 2025

Yannick Essertel, historien des missions

Yannick Essertel : « Mgr Pompallier, l’évêque fait Maori »

A Lyon, le 12 juin dernier, le Centre de Documentation et d’Archives des OPM a accueilli l’historien des missions Yannick Essertel. Il a décrypté devant un auditoire captivé l’identité et le sens de plusieurs objets originaires d’Océanie, exposés pour l’occasion.

Un repose-nuque, une natte fine, une canne en os de baleine, une coupe à kava quadripode en bois… Autant d’objets présents aujourd’hui dans les collections des OPM dont Yannick Essertel a reconstruit le récit. A travers ces objets « témoins et médiateurs », il a présenté la perception qu’avaient les Maoris des missionnaires chrétiens. Mais aussi comment les peuples évangélisés ont été eux-mêmes acteurs de leur conversion.

Un lyonnais en Océanie

Né à Lyon en 1801, Mgr Jean-Baptiste Pompallier fut le premier vicaire apostolique d’Océanie occidentale (Nouvelle-Zélande). Dans la foulée de cette nomination, le missionnaire mariste entreprit un périple, au départ du Havre, en 1836.

Si le chercheur a semblé regretter « une personnalité discrète et secrète » qui ne dévoile pas, dans sa correspondance, ses sentiments personnels, il a brossé le portrait d’un religieux qui a appris l’anglais et le maori en trois mois, et s’est mis « à la culture de l’autre ».

En effet, avec sa longue soutane et coiffé de sa mitre, Mgr Pompallier a su « mettre en scène sa fonction ». Il est alors perçu comme « un être supérieur », représentant du grand « Tatua ». On le traite comme un chef, « un rangatira », en lui offrant des cadeaux dignes de son rang, souvent à l’occasion d’un baptême.

La généalogie du Maori

Cet homme qui vient du bout du monde, sans femme ni enfant, annoncer le Christ aux Maoris, utilise la métaphore de l’arbre : « L’Eglise catholique est comme le tronc » explique-t-il à ses interlocuteurs. Ils considèreront d’ailleurs les pasteurs anglicans comme « des branches cassées ».

Parce qu’il montre un grand respect pour la culture locale, qu’il va jusqu’à défendre, les chefs offrent au missionnaire des objets sacrés et même, de famille. Il fait désormais partie intégrante du peuple maori. « Mgr Pompallier incarne tout ce qui est prestigieux » analyse Yannick Essertel. Y compris « le mana », le pouvoir et l’autorité spirituelle du chef.

Interrogé sur le port du « tapa », vêtement traditionnel, le prêtre répond ainsi à son auditeur : « Je préfère que tu ailles au Paradis en tapa, plutôt qu’en Enfer avec des habits européens ». Cette identité partagée avec les Maoris a fait de lui un « Tino rangatira ».

Sa mémoire honorée jusqu’à aujourd’hui

Parce qu’ils le considèrent comme l’un des leurs, les Maoris ont entretenu vivante la mémoire de Mgr Pompallier. La peinture de son portrait est devenue une icône, l’Epikopo.

En 2002, une délégation d’une grande ferveur est d’ailleurs venue jusqu’en banlieue parisienne chercher sa dépouille – il est mort à Puteaux en 1871. Une aventure retracée dans le documentaire diffusé par KTO et réalisé par Delphine Poivre d’Arvor, « L’apôtre des Maoris ». On y voit les fidèles accompagner « leur ancêtre » avec un chant maori à Marie écrit par Mgr Pompallier lui-même !

Aujourd’hui encore, au « marae » d’Otara, lieu sacré de rassemblement, se trouve une sculpture en bois le représentant en chef religieux maori, avec des scarifications sur le visage et une croix sculptée sur la tête.

Grâce à son charisme indéniable, Mgr Pompallier a réussi à transcender les clivages et les perceptions fausses de son époque. Lui qui ne s’est pas comporté comme les « pakea » (colons) est devenu un pilier sûr de l’Eglise en Océanie.

Claire Rocher

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